Matière à rire sur la ligne 11...

Publié le 19 Février 2008

Je vous surprendrai sans doute en vous disant qu'au XIXe siècle l'image des Portugais était bien différente de ce qu'elle est aujourd'hui...

Saviez-vous, en effet, qu'une opérette de Charles Lecocq "Le jour et la nuit", entonnait la suivante rengaine ?

Les Portugais sont toujours gais
Qu'il fasse beau, qu'il fasse laid !
Les Portugais sont toujours gais


Dans la même veine, Alphonse Allais aimait à rappeler que
"Ce n'est pas parce que les malais sont laids, les portugais gais, les colombiens biens que les espagnols sont gnols."

Aujourd'hui, et est-ce une nouvelle mode ? est-ce une identité ? c'est la saudade qui tend à les caractériser. Aujourd'hui, c'est la tristesse, la mélancolie, qui représente les descendants du peuple de Lusitanie.

Pour vous en convaincre quelques fados, bien sûr, mais aussi "un" samba et pour terminer une
morna !

Ce beau samba (en portugais le mot est masculin!)
réinterprétré, et traduit en français, par Stacey Kent, dans "Samba saravah" nous rappelle que si la samba (on est en France... donc respectons-en la grammaire) "est blanche de formes et de rimes, elle est nègre, bien nègre dans son coeur" :

"Je n'empêche pas les gens qui sont bien d'être joyeux, 
pourtant, s'il est une samba sans tristesse, 
c'est un vin qui ne donne pas l'ivresse,
non, ce n'est pas la samba que je veux"

Fado, mélancolie, tristesse... vous Portugais, quelle saudade coule dans vos veines, qui fait que vous avez contaminé tous les peuples avec lesquels vous vous êtes métissés ? Mariza le chante si bien, elle comme tant d'autres, au sang de fado mêlé : 

"sempre que se ouve um gemido,  dès lors qu'on entend la plainte
numa guitarra a cantar,                 d'une guitare qui chante,
o gente da minha terra,                 ô peuple de mon pays
agora é que eu percebi,                maintenant je l''ai compris
esta tristeza que trago,                 cette tristesse que je porte
foi de vos que a recebi."                  c'est de vous que je l'ai reçue



Et, pour clore le tableau, on n'oubliera pas Cesaria Evora et sa "sodade", sa morna... ici avec la Brésilienne Marisa Monte; elles chantent le "mar azul", cet océan que parcoururent leurs ancêtres marins .



On me dit parfois que je me complais dans la tristesse, que je me perds dans la mélancolie... 
J'aime à me remémorer la voix des voyageurs, j'aime à me rappeler que cette tristesse qui m'habite c'est d'eux qu'elle me provient.

Mais, mais... mais, mais, mais
, mais, Mai, Paris!!!

Ma vie n'est pas faite que de blues, que de déprime, la preuve :

aujourd'hui sur la ligne 11, en allant au boulot... je vois entrer... un... un... personnage de fiction, jeune, élancé, assez bien habillé;  il sort un livre, et  se met à déclamer :

"Une chose étrange quand vous connaissez la langue française, ce sont les verbes irréguliers, le verbe ouïr par exemple..." 

Je le regarde, d'abord intriguée puis très vite fascinée; il dit son texte, il s'élance, il joue avec les mots, il s'en délecte, il les machouille, il jubile et je jubile de tant d'audace, de tant de liberté. Je note le titre du livre qu'il tient à la main et qu'il consulte de temps à autre... Oh, que c'est bête, je suis déjà arrivée à Belleville, je le salue un peu maladroitement, il me salue en me disant que le texte n'était pas extrait de ce livre mais de Matière à rire de Raymond Devos. Je pars, réjouie d'avoir ouï de si belles choses.

  

Moi aussi métissée, car la culture française est un terreau qui me nourrit; la culture de Devos, celle du Canard Enchaîné, celle de l'ironie, du sarcasme aussi, celle de l'auto-dérision, celle qui chante à tue-tête :

"les Portugais sont toujours gais toujours gais..."

et qui se moque de trop de fado...

Rédigé par Luciamel

Publié dans #métro - voyages

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L
Oui, merci cher archange de me le rappeler, nos cultures se ressemblent, et, sans doute, est-ce la raison pour laquelle le français les assemble : en effet, ne parle-t-on pas de "l'âme russe", de "l'âme portugaise" ? jamais ouï dire qu'il y avait une "âme française"... En espérant ne pas trop alourdir mon propos, voici ce que j'ai trouvé sur Internet (quelle mine...) aujourd'hui ; il s'agit d'un texte de Robert Bréchon, "Les Lusiades de Camoes, le mystère fondateur du Portugal", pour définir la "saudade" le poète dit : "Ce n'est pas la saudade/ Du monde où est née/ La chair, mais du ciel,/ De la Cité Sainte/ D'où cette âme est descendue". L'expert analyse plus loin : "Le poème peut-être le plus célèbre de toute son oeuvre est la longue paraphrase du psaume "Super flumina Babylonis", où l'exil des juifs représente à la fois le malheur de vivre à Goa, où il l'écrit, celui d'avoir perdu la femme aimée et celui d'être prisonnier de la condition humaine. Sa Jérusalem, c'est Lisbonne, l'amour heureux, le paradis (...). La sentimentalité portugaise s'accompagne, dès l'origine, d'une contestation d'elle-même, qui donne souvent aux élans de l'esprit et du coeur un ton grinçant. Dans un très beau sonnet où le poète évoque la belle Chinoise aimée, qui s'est noyée, il l'appelle "ma chère ennemie". A une autre femme, bien en vie celle-là, il dit : "Je tombe amoureux éperdument jusqu'à devenir,/ A cause de vous, jaloux de moi-même". Ailleurs, dans une "chanson", il fait le bilan de sa vie. "Tout me manquait, et le Temps et le Monde,/ Quel secret si ardu et si profond !/ Naître pour vivre, et manquer, pour la vie, /De tout ce que lui réserve le monde. / Ne pas pouvoir la perdre/ Alors que tant de fois on l'a déjà perdue..."<br /> <br /> Oui, comme toi, je me dis que ceux qui ne sentent pas (de temps en temps) la mélancolie, le blues, sont bien... malheureux.
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G
Il y a la mélancolie portugaise que tu évoques si justement, il y a la mélancolie russe, la célèbre "toska". Les Français d'origine portugaise ou russe seraient-ils, en France, les seuls à savourer les joies subtiles, amères et douces, de la mélancolie ? Les autres seraient-ils condamnés à une perpétuelle bonne humeur ? Si oui, ils sont à plaindre. Vive la "saudade", vive la "toska" !
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L
merciiiiiiiiii, :))))) ah? tu ne peux pas lire les vidéos ? c'est embêtant ça... bon, de toute façon je crois qu'il y a trop d'écrans, ça coupe trop le texte... je vais en mettre moins à l'avenir.
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V
Un vrai plaisir de te lire. Malheureusement les insertions de ne s'affichent pas (mais peut être que c'est comme ça uniquement chez moi...) (on reste en attente de wat.tv)
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