Le syndrome de "piano man"
Publié le 12 Mars 2008
J'ai lu voici quelque temps cet article de Philiberte sur la supercherie, la mythomanie, ou la fantaisie... qui a guidé Misha Defonseca à écrire son livre (adapté récemment au cinéma) Survivre avec les loups... Depuis, la question ne cessait de me trotter dans l'esprit... sans réponse venue à sa rescousse.
Or, hier je suis retombée, par hasard, sur cette histoire, déjà vieille de 3 ans, de celui qu'on avait surnommé "Piano man". Vous vous souvenez ? Ce jeune homme blond, mystérieux, échoué sur une plage britannique, muet, hagard, ne pouvant s'exprimer qu'au moyen d'un piano... Son visage, sa silhouette, son mystère, romantique à souhait, avaient fait le tour de la terre... avant que tout, soudain, ne retombe comme un soufflé. Après quatre mois de battage médiatique, il a finalement parlé : il avait 20 ans, était allemand, avait voulu se suicider dans la mer, par dépit amoureux, et quand les policiers l'avaient repêché vivant, c'est spontanément, sans calcul, que tout lui était venu... Le mutisme, le jeu avec ses infirmiers, lui-même ayant travaillé avec des malades mentaux, la communication grâce au piano, lui, assez piètre musicien, il s'était laissé porter...
Pour moi, ces deux histoires n'en font qu'une au bout du compte.
Le traumatisme. Celui de Misha, dont les parents furent déportés, dont la vie pendant la guerre fut terrible souffrance, lutte contre l'atrocité. Celui du jeune "pianiste" allemand, vivant l'une des pires douleurs de l'âme qui soit, celle du mal d'amour. Les deux ont trouvé le même baume : la fiction; transformer la réalité, la sublimer, s'enfuir, s'enfouir dans un monde protecteur, celui des loups, celui du silence, celui de la musique. En fuyant le monde des hommes.
Le scandale. Des deux côtés l'emballement médiatique, l'émotion, les sous générés (pour les télévisions, la presse, les médias...), la projection du public, le besoin de rêver, de croire, d'espérer... et, tout d'un coup, avec le dénouement, le dévoilement... soudain, la déception, la colère, le lynchage... On en veut à ceux qui nous ont fait rêver, quand on découvre qu'ils n'étaient pas plus merveilleux que nous. Qu'ils n'étaient pas des princes, pas des princesses au bois dormant... Non, ils n'étaient que nous.
On leur en veut terriblement. Pour lui, c'est l'hôpital qui demande des dommages-intérêts. Pour elle, c'est le déchaînement de passions parfois extrémistes (on parle de shoah, de notre monde dévoyé, de valeurs dégénérées, de journalistes miteux...).
Je vous en conjure toi Misha, toi "Piano man", continuez à rêver... à nous ouvrir les portes d'un monde magnifié. Continuez à SURVIVRE AVEC LES LOUPS.