Toi le frère que je n'ai jamais eu...

Publié le 17 Mars 2008

"Qui ne voit pas la vanité du monde est bien vain lui-même. Aussi qui ne la voit, excepté de jeunes gens qui sont tous dans le bruit, dans le divertissement et dans la pensée de l'avenir ?
Mais ôtez leur divertissement vous les verrez se sécher d'ennui. Ils sentent alors leur néant sans le connaître, car c'est bien être malheureux que d'être dans une tristesse insupportable, aussitôt qu'on est réduit à se considérer, et à n'en être point diverti." Pascal, Pensées. 



Un ami blogueur m'a suggéré d'écrire un "billet", (moi je dis encore  un "article"), sur cette spécificité bien française du sarcasme. 

Je suis presque née ici, je veux dire en France, je l'ai raté d'à peine 8 ans et demi... Par la même occasion j'ai loupé mai à Paris (mai, mai, mai, mai, mai, mai, mai... Paris!), eh oui, je suis arrivée pour la rentrée scolaire de septembre, juste après les événements... Depuis, j'ai pas bougé !!! 

Alors, ça fait un bail que j'observe... les différences, les ressemblances. 

Et celle-là, celle du trait d'esprit, souvent n'a de spirituel que l'appellation d'origine contrôlée, bien franchouillarde... et, parfois, ne s'apparente qu'à de la méchanceté gratuite : si j'ai réussi à dénigrer l'autre, à bien faire rire mon auditoire, c'est gagné, car j'ai montré le brio de mon intelligence et, dès lors, mérite admiration. Bien sûr ça me fait penser au très pertinent et très mordant (pour cela j'apprécie aussi cette capacité à l'autodérision qu'ont les Français, et je m'évertue à l'expliquer aux étrangers qui ne voient que la seule arrogance et agressivité verbale) film de Patrice Leconte : 

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"Versailles, 1780. Le jeune baron Grégoire de Malavoy tente de convaincre les ministres de Louis XVI d'assécher les marais de sa province infestée par les fièvres. Mais avant d'arriver jusqu'au Roi, il devra se faire un nom dans les salons de la Comtesse de Blayac, véritable antichambre du pouvoir, où le bel esprit peut faire une carrière alors qu'un "ridicule" la brise à jamais..."

Oui, ce goût de l'ironie, où l'on tue son adversaire avec un bon mot, qu'on retrouve dans Charlie Hebdo, dans le Canard enchaîné, est bien une  particularité française. Ce besoin d'épingler l'autre verbalement, le plaisir de le "ridiculiser" par une belle formule, cet art est sans nul doute né en France. 

Respecter l'autre, ne pas le rabaisser pour le seul plaisir de briller... comme ça semble ringard ! Vous imaginez une soirée électorale (même des échanges au sein du même parti...) où les gens se parleraient avec considération ? Oh, comme ça serait déplacé. Que dirait-on d'un Olivier Besancenot (je prends son exemple au hasard... je trouve d'ailleurs qu'il n'est pas parmi les plus sarcastiques) qui ne tirerait pas à boulets rouges... sur tout ce qui ne s'apparente pas au bout du bout de ses 5, allez, 8 % ?

Pour paraître intelligent, on dit en France : "avoir de l'esprit", on doit montrer qu'on est capable (apte) à abattre l'autre d'un mot, d'une phrase bien placée, et à le faire de façon standardisée : en effet, il faut suivre certaines règles, ne pas être sensible aux arguments de l'adversaire et ne pas démordre de sa position; RIDICULE tu es, RIDICULE tu resteras.

"Je t'ai tué avec mes mots, mes 'amis' en sont témoins, je suis au pinacle, que fais-je ensuite ? je me cherche des alliés, des complices, car demain c'est moi qu'on viendra... dénigrer" : quel est donc ce penchant ?

Martin Niemöller (1892-1984) à Dachau

Quand ils sont venus
chercher les communistes,
je n’ai rien dit :
je n’étais pas communiste.
 
Quand ils sont venus
chercher les syndicalistes,
je n’ai rien dit :
je n’étais pas syndicaliste.
 
Quand ils sont venus
chercher les juifs,
je n’ai rien dit :
je n’étais pas juif.
 
Quand ils sont venus
chercher les catholiques,
je n’ai rien dit :
je n’étais pas catholique.
 
Puis ils sont venus me chercher
et il ne restait plus personne
pour protester.


Douce France, doux pays de mon enfance... je chéris tes Lumières, tes philosophes, ta devise, toi qui a réussi à laïciser la spiritualité, toi qui a donné au monde ces trois mots : "liberté, égalité, fraternité". C'est d'elle, de la fraternité, dont je voulais, au départ, parler. L'ironie, c'est déjà Voltaire contre Rousseau. Lui Voltaire le bel esprit railleur, cinglant, mordant... lui Rousseau (est-il totalement français d'ailleurs ? né à Genève, orphelin de mère, abandonné par son père... élevé par son oncle, fugueur dans l'âme) inspirateur de la Déclaration des Droits de l'Homme (par son Contrat social). Même tes polémistes, tes Voltaire... je les lis et apprends beaucoup à leur contact (parfois épineux), je les aime aussi car ils sont de ceux qui toujours parleront du tremblement de terre à Lisbonne de 1755. Ces irrévérencieux, ces railleurs, ces polémistes, ces parfois sectaires, parfois superficiels, sont aussi ceux qui, un jour, dénonceront les injustices, et défendront le beau nom de LIBERTE.

Pour l'heure je voulais célébrer la  FRATERNITE (mais sans oublier pour le Tibet : la LIBERTE !!!)


Toi le frère que je n'ai jamais eu... sais-tu, si tu avais vécu, ce que nous aurions fait ensemble ? je suis moins seul de t'avoir fait, pour un instant... pour une fille... ici quand tout vous abandonne on se fabrique une famille.

Rédigé par Luciamel

Publié dans #Politique - société

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L
@Véro : je crois qu'effectivement nous vivons une époque qui connaît une surenchère dans la violence verbale, il devient de plus en plus nécessaire d'apprendre à être non pas sarcastique mais virulent, voire même menaçant, verbalement... on s'éloigne de l'ironie de Voltaire...
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V
J'ai beaucoup aimé le film "ridicule", mais c'est vrai que perdre un ami pour un bon mot... c'est vraiment dommage.<br /> Aujourd'hui, dans les cours de récré la mode est à la "casse", façon "brice de nice", ça a l'air assez "violent" aussi.
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L
merci mon frère ;-))) je n'en suis pas satisfaite de ce billet, un peu trop décousu par moments (et trop émotionnel...), je vais le reprendre ce soir... rajouter deux ou trois bricoles...
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C
Nom de zeux Lucia, tu mets de l'émotion dans tes billets :)
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