Mon copain de la place Clichy
Publié le 22 Mai 2008
J'ai des "mystic friends", ils plannent pour moi... je les écoute, je les suis parfois... et on échange... ils ont eux-mêmes des amis hauts placés (Dalaï Lama, Mère Meera, et autres maîtres soufis ou bouddhistes), ils ont le pouvoir d'achat pour cela... Et puis, il y a mon copain de la place Clichy.
Lui, il arrive à La Chapelle, à 8h22, il pousse la chansonnette, style Brassens mixé de Moustaki. Vous le connaissez sûrement, parce qu'il travaille régulièrement sur la ligne 2 et la ligne 5.
Il a une voix douce et grave, il nous fait écouter la berceuse du métro à 8h22 : c'est "Les copains d'abord", ou "Ma liberté"... Puis, il nous fait rire... en nous caressant dans le sens du poil, ce que personne ne nous dit plus... des choses gentilles, polies, amusantes...
Aujourd'hui, il m'a suivie jusqu'à la sortie, il aime bavarder, alors on a causé... il m'a un peu parlé de sa vie. Il doit avoir dans les 55, 60 ans (vous savez les seniors, ceux qu'on jette socialement et professionnellement à 52 ans, tout en leur demandant de travailler plus longtemps...), il m'a dit avoir de plus en plus de mal à décrocher des cachets, avant, les maisons de retraite, les cabarets, il devait refuser, tant le travail était abondant... aujourd'hui, plus rien, et me dit-il, heureusement qu'il y a le métro pour survivre, mais détrompez-vous, c'est pas facile, vous savez moi je suis un sportif, je m'entraîne pour le marathon, et là c'est pas plus facile, vous savez on croit qu'il se passe rien dans le métro, mais moi je vois, c'est très tendu, il y a plein de choses qui arrivent dans le métro, plein de choses cachées, c'est dur, c'est lourd, il faut porter tout ça, paraître léger quand même, les gens savent pas... il faut faire votre numéro, et puis vous entrez dans une bonne voiture, ou pas, vous gagnez quelque chose ou pas... je vous le dis, c'est dur, c'est pas vivre c'est survivre... mais heureusement qu'il y a le métro, ça empêche de tomber dans la cloche, physiquement c'est beaucoup plus dur que le marathon.
Lui, je l'écoute souvent... il m'inspire, ma vie n'a plus grand chose à envier à la sienne... nous sommes frère-soeur... d'adversité. Et j'en suis fière. Merci... pour la leçon.
Chers poètes, à chaque moment, à chaque difficulté de la vie aussi, je vous salue.
Dans l'eau de la claire fontaine
Elle se baignait toute nue
Une saute de vent soudaine
Jeta ses habits dans les nues
En détresse, elle me fit signe
Pour la vêtir, d'aller chercher
Des monceaux de feuilles de vigne
Fleurs de lis ou fleurs d'oranger
Avec des pétales de roses
Un bout de corsage lui fis
La belle n'était pas bien grosse
Une seule rose a suffi
Avec le pampre de la vigne
Un bout de cotillon lui fis
Mais la belle était si petite
Qu'une seule feuille a suffi
Elle me tendit ses bras, ses lèvres
Comme pour me remercier
Je les pris avec tant de fièvre
Qu'ell' fut toute déshabillée
Le jeu dut plaire à l'ingénue
Car, à la fontaine souvent
Ell' s'alla baigner toute nue
En priant Dieu qu'il fit du vent
Qu'il fit du vent...