Une journée ordinaire
Publié le 10 Juin 2008
Un chef cuisinier anglais, spécialisé dans la gastronomie française; un prof de philo à l'université américaine; un journaliste japonais; deux conseillères auprès du premier ministre suédois... quelques Japonaises (mariées à des Français, ou accompagnant leur mari japonais en France); des Russes très riches; des Suisses en formation professionnelle; quelques écrivains par-ci par-là, des milliardaires en goguette, une danseuse au Moulin Rouge, un chirurgien, une productrice japonaise d'un film brésilien à Cannes...
Voilà mon quotidien. Etre en contact avec ces gens-là, leur enseigner le français, car tous ils viennent à Paris, par amour de la langue et de la culture, ou par nécessité... Finalement, je fais un peu le même travail que Jacques Chirac avec sa fondation (inaugurée hier au musée du Quai Branly)... j'oeuvre, avec mes collègues, pour la diversité culturelle dans le monde, les échanges interculturels, et la diffusion du français et sa culture.
Ces gens-là me passionnent, m'enrichissent, me nourrissent au plus haut point.
Un cours particulier avec un(e) spécialiste, un(e) ingénieur(e), un(e) chercheur(euse), un(e) politique, un(e) diplomate... au quotidien et tout au long de l'année... venus des quatre coins du monde, ayant pour la plupart des métiers passionnants, enrichissement autant pour moi que, je l'espère, pour eux. Depuis onze ans que je les écoute, les fais parler, progresser, dans cette belle langue qu'est le français... j'ai le sentiment d'avoir parcouru la terre entière. Je connais le Japon sur le bout des doigts, nandake, nandaro... La Suisse est ma seconde patrie. J'aime les Néerlandais et leur prononciation, surtout celle du mot "organigramme"... L'Australie est venue à moi, la Chine (plus à l'Université, où je donne aussi quelques cours), le Moyen Orient (la Syrie, l'Iran... Israël). Le Brésil et l'Amérique du Sud, n'en parlons pas... ce sont des amis, l'Argentine et Gustavo... qui m'a déjà raconté plusieurs fois la ressemblance de Menem et de Sarkozy (il revient en juin Gustavo, on va pouvoir poursuivre nos parallélismes); c'est grâce à lui que j'ai écrit mon premier post... celui sur Alfonsina Storni, la grande poétesse.
Sachons chaque jour rendre hommage à ceux qui nous transmettent un peu de leur vie, si généreusement.
Je les croise dans mes cours, je les vois dans le métro, sur le bord du chemin... ce sont les mêmes, ils me tiennent le même langage, celui du mystère et du don de la vie. Parfois, mes amis... aussi. Mais pourquoi cet échange, cet extraordinaire communication ne se fait-elle pas aussi facilement, aussi spontanément, avec ceux qui sont nos compagnons ? Avec eux on est plus contrits, plus petits... moins libres, moins naturels, moins humains...
Je remarque cela aussi avec mes "amis" blogueurs... une complicité, un partage, un échange, qui peuvent tout d'un coup s'éteindre, s'affadir... parce qu'on se sera vus... en "vrai", de trop près. Ca m'est arrivé deux fois, et j'ai senti que je les avais sans doute déçus... qu'on attendait autre chose de moi... il y a Lucia... et celle qu'on voit en face de soi. Autant la projection dans les cours est "soft" et "gérable", autant la projection des blogueurs est "dure", vous n'avez pas de seconde chance, vous êtes zappés par la souris qui leur tient compagnie... Vous repérez facilement les regards critiques, dégoûtés, ennuyés, admiratifs, aimants, bienveillants... quand vous enseignez. Alors, quand vous rencontrez un blogueur, une blogueuse, vous faites fonctionner votre pilotage automatique et, là, vous savez très rapidement... si vous avez (dé)plu...
Je pense qu'on a parfois plus d'intimité, d'affinité, d'échange, de partage... avec sa boulangère qu'avec son mari, son fils ou sa petite amie.
Mon désespoir est grand, d'où mon espérance que le bonheur n'est pas loin...