Le bel amant (1)
Publié le 22 Juillet 2008
Nani poussa la porte. De l'autre côté, une table, deux chaises, un chien. Il s'approcha en claudiquant, le chien ouvrit un oeil, et le referma aussitôt devant un aussi triste tableau.
photo (c) Luciamel, 25/12/2007, Paris. (ajout du 12/11/11)
Pas très grand Nani, il allait sur sa quarantaine, mais en paraissait bien plus... le cheveu terne, la mine tout aussi grise, il semblait se traîner comme un pauvre animal qui va à l'abattoir, comme un revenant.
Les enfants arrêtèrent leur manège, firent semblant d'être sages, en se logeant dans un coin.
La mère sourit et lui tendit les bras : "Oh, c'est toi...", puis elle le serra contre elle et le berça sans un mot, tout doucement.
Le père se renfrogna, depuis le temps, il pensait qu'on ne le reverrait plus vivant, 'Le cormoran"...
Le disparu, le renégat, était revenu.
Il fallait remonter longtemps en arrière, plus de 10 ans... qu'on ne l'avait revu... Nani, Giovani... le mutant... celui dont tous avaient cru qu'il étincellerait au firmament...
Le bel Italien, celui dont Dalida aurait pu chanter les mérites, celui qui faisait sourire et rougir toutes les femmes... seules les plus mûres se sentant vaccinées face à son regard brûlant, il était là, face à moi...
Je dis : "Je sors, ne m'attendez pas pour dîner". Personne ne m'avait écouté, tout occupés qu'ils étaient avec leur "invité"...
Dehors, la nuit était triste et grise... en ce premier jour d'été... Personne n'osait s'aventurer à cette heure tardive dans les rues de la ville, où, le froid devenu habituel depuis la glaciation de 2020 (certains ont essayé d'expliquer que le double XX était un signe, c'était la lame du Jugement dans l'ancien Tarot de Marseille, que ça avait été annonciateur d'une certaine fin des temps...) saisissait le téméraire.
Moi, avec mes cheveux tout blancs, malgré mes tout juste soixante ans... blancs comme neige, comme la couleur qui recouvrait désormais toute la terre, je défiais les éléments... comme lui le fuyard, celui en qui nous avions placé tous nos espoirs, celui qui devait nous délivrer du grand cauchemar, voici 10 ans... il y a une éternité.
J'avais ma tenue anti-blizzard... faite de tissus de récupération (sortes de fourrures reconstituées... mi-fibres, mi-raisin...), c'était plutôt encombrant et rendait la marche lente et pénible, mais ça offrait une bonne isolation aux -20° C de l'été...
Inutile de vous dire que je ne croisai âme qui vive... Pardon pour mon humour décalé, depuis l'époque où je tenais un blog (c'était une sorte de journal, de roman au jour le jour si vous voulez, sur un support, une sorte d'engin magique, où tout s'affichait... on écrivait et tout s'affichait automatiquement... c'est un peu compliqué... je vous expliquerai plus tard), j'ai développé un esprit un peu sarcastique... préparé au pire... comme au meilleur (mais pour ce dernier... le sarcasme est resté le mieux adapté).
Je regardai autour de moi... comment aurais-je pu décrire ce paysage... à ceux qui vivaient là... avant..? Ce n'était pas une "fin du monde", ou une vision apocalyptique post catastrophe nucléaire... comme ce qu'on voyait parfois dans les films de science fiction... Le cinéma... ah... oui... il faudra vous expliquer ça aussi. Non, pour leur faire comprendre ce qui s'était passé... où nous vivions... et comment... il me faudrait commencer par le commencement.
(à suivre)