Le bel amant (3)
Publié le 26 Juillet 2008
En 2017, il y avait eu des élections, on avait pour la première fois en France (c'est ainsi qu'on appelait la terre autour d'ici) élu une femme. Oui, c'était encore quelque chose d'exceptionnel, de confier à un humain de sexe féminin, la direction d'une collectivité plus grande qu'une ville ou une région. La Finlande, et l'Allemagne, pays plus au nord, ou à l'est, avaient, en ce sens, été avant-gardistes.
Oui, voilà ce qui définissait une "femme" : un humain dont le sexe portait la particularité de la féminité (organes et propriétés liées à un cycle hormonal spécifique, d'où découlait la capacité à porter un foetus - l'être conçu biologiquement). La moitié de l'humanité portait ces caractéristiques biologiques, et presque en aucun endroit sur terre, elle n'avait la possibilité de diriger la collectivité à son plus haut niveau. Quel lien y avait-il entre les deux faits ? Beaucoup en tout cas essayaient de le nier.
L'homme, c'était l'humain dont les organes sexuels (par l'insémination effectuée lors de ce qu'on appelait un "acte sexuel") portaient la semence qui pouvait féconder l'ovule porté par le corps de la femme. Ces humains avaient réussi à contrôler et déterminer, depuis son origine, le destin de l'ensemble.
Imaginez, la révolution qui s'opéra au moment de votre venue... En 2019, j'avais 49 ans.
Comment vous faire comprendre qu'un être humain... était considéré très différemment (même si dans certains pays dits démocratiques on défendait depuis quelques dizaines d'années l'égalité des droits) suivant qu'il avait telle ou telle particularité physique ? Aujourd'hui, une telle chose nous semble inconcevable. Laissez-moi vous raconter comment tout est arrivé.
Ce matin-là, j'avais rendez-vous avec Nani... Elle (oui, pour les besoins de la cause, Nani avait choisi cette apparence-là) m'attendait dans les bureaux du grand patron, elle était la nouvelle directrice du service, ben oui, parfois aussi des femmes assumaient des postes à responsabilité. J'étais en retard, donc. Je me disais que j'allais encore me faire sermonner... alors, Michalon, vous n'avez pas entendu votre réveil ? ça ne fera que la troisième fois cette semaine... Michalon, c'était le nom de mon père, ce qu'on appelait le nom de famille, mon prénom, donné à ma naissance, était Bruno. Bruno Michalon.
Essouflé, j'entrai dans l'immeuble, une tour moderne de 30 étages; on vendait et on achetait des idées... on travaillait dans la communication, entre la publicité, l'image de marque, le journalisme, la politique... un nouveau métier né de la révolution des nouvelles technologies, des nouveaux médias... En 2012, la domination des blogs sur les médias traditionnels (les journaux, les télés, les radios) avait obligé les pouvoirs publics à reprendre les choses en main, des lois avaient été votées à niveau européen, puis planétaire, pour contrôler ce qui devenait un monstre informe : la blogosphère.
Ouf, 27, 28... ça y est j'y suis le 29e... (le 30e... c'était un peu mystérieux, on ne savait pas trop ce qui s'y passait), je salue Martine (la réceptionniste du 29e) elle me fait une moue entendue... je comprends que ça va chauffer pour moi. Je m'essuie rapidement le front (c'est l'été... je sue sous mon veston).
Je frappe deux coups à la porte du bureau n°1, j'entends : "entrez", j'entre, et là... je manque de tomber dans les pommes. Je la vois, Nani... je comprends que tout est prêt, car enfin... elle est arrivée.
(à suivre)