Le bel amant (5)
Publié le 2 Août 2008
Première hypothèse, me dis-je, je suis fou. Deuxième hypothèse, je suis en train de le devenir. Dernière possibilité, ceci me dépasse.
"Je comprends votre surprise", murmura-t-elle, son visage s'éclairant d'un délicat sourire. "Ca fait toujours cette impression la première fois, on se dit qu'on a perdu la raison".
- Pardon ? répondis-je.
- Oui, vous ne savez plus où vous en êtes, que je sois le portrait craché de votre mère, c'est bien à elle que je ressemble, n'est-ce pas ? ça doit profondément vous perturber.
- Mais...
- Je vais vous dire ce que nous attendons de vous.
C'est alors que sous mes yeux elle se métamorphosa en quelque chose d'éthéré, je ne voyais plus vraiment, je percevais plutôt des couleurs, des sensations, une chaleur, un bien-être... c'était peut-être ça le ventre de ma mère... sentis-je.
Je crus m'être assoupi, pourtant autour de moi, la pièce n'avait pas bougé, plus lumineuse, plus vibrante, mais, la même. J'écarquillais les yeux, de nouveau Nani avait repris forme humaine.
- Oui, je vais vous expliquer, pourquoi nous vous avons choisi. Nous devons intervenir, non pas empêcher, car tout doit arriver, mais interférer dans le déroulement du plan orchestré par les dirigeants du pays. Pourquoi nous le devons, je ne peux le révéler, mais comment nous allons procéder, ça oui, je peux vous en informer.
Ma tête tournait un peu, mes jambles flageolaient, je m'étais relevé pour observer par la fenêtre la nouvelle tour "Phare" construite en 2013, avec ses éoliennes tournant à son sommet, sa blancheur, sa forme bombée, comme le ventre d'une femme enceinte, elle était le symbole de "l'architecture organique". Sur la passerelle des hommes et des femmes d'affaires s'affairaient vers leurs bureaux. J'avais rendez-vous avec Judith, à midi, au pied de la tour, on irait déjeuner au restaurant panoramique qui se trouvait au dernier étage pour finaliser le programme de vacances des enfants. Tout se mélangeait dans mon esprit, puis peu à peu, je commençai à ressentir une sensation de légèreté, comme si tout ça, les vacances avec les enfants, les tensions avec Judith, mon travail, ma petite vie, mes frustrations... comme si c'était devenu une aquarelle tracée par la main légère et assurée d'un... ange.
Je me tournai vers elle, ses yeux brillaient d'une sorte de fièvre "froide", calme. De quelle couleur étaient-ils ses yeux ? vert noisette ? gris bleu ? j'allais m'y plonger pour vérifier. Elle les ferma un instant, qui me parut une éternité.
(à suivre)