La fin du voyage
Publié le 27 Septembre 2008
Dans toute histoire il y a une fin, celui qui la raconte forcément se tient à un bout... car l'histoire n'a de sens que pour lui, et pour ceux qui l'écoutent. Je vous dirai donc tout d'abord la fin de ce voyage, puis je le reprendrai à ses débuts, quand je m'envolai pour New York.
Samedi 27 septembre, Roissy Charles de Gaulle, ça râle dans la queue vers le contrôle douane, et qui râle ? je vous le donne en mille... deux Français, et en re-mille je parie que ce sont des profs, ou des fonctionnaires ! Les employés des douanes sont souriants, prêts à plaisanter même... tiens, on a quitté les States, ça sourit, bienvenue à Paris ! J'adore rentrer, j'aime voyager, découvrir, m'envoler, m'enfuir, mais rien ne vaut le retour, la sensation de rentrer au pays. A chaque fois je repense à ma grand-mère Custodia, si étonnée que je sois partie vers d'autres contrées, "tu vois, moi je n'y suis jamais allée dans ces pays étrangers, et je me demande finalement à quoi ça sert, on naît, on meurt, sur la terre de notre Seigneur, pourquoi se perdre et s'éloigner de ce qu'on est, après tout, à quoi ça sert de s'en aller ?"
Nuit plus courte au retour, nous parcourons en sens inverse la course du soleil (oui, je sais, la rotation de la Terre), nous le rattrapons car à 1h30 du matin (milieu de la nuit à New York) il est déjà 7h30 à Paris. Nous sommes simplement allés vers le futur, qui vraiment s'en aperçoit ?
Retour du Nouveau Monde, je dirai ce qu'il a été... retour au vieux monde... quel soulagement !
Roissy Charles de Gaulle
Retrouver mes marques, acheter Le Monde : hein ? c'est la fin du monde aux Etats Unis ? et nous qui n'avions rien vu... Faillite bancaire, réunion au sommet : Bush, Obama, McCain à la Maison Blanche, plan de sauvetage du système bancaire, de l'économie américaine... euh... pardon, j'étais en vacances près de Wall Street, à deux pas de là... j'ai rien su de tout ça.
Comment ? Sarkozy joue à Spiderman à Toulon ? il a voulu faire de la varappe sur le mont Faro...
Bon, comment tout cela a-t-il commencé ?
Samedi dernier, le 20 septembre, départ de Roissy : interrogatoire, regards et questions soupçonneuses de l'agent d'American Airlines, tout à coup je me suis demandé si vraiment je n'avais rien à cacher...
Dans l'avion déjà un peu d'Amérique, avec les stewards et les hôtesses : pas de doute, ils ne sont pas français, plus calmes, plus posés, moins souriants aussi.
A l'atterrissage, voix lénifiante du commandant nous annonçant une avarie de "quelque chose", nous devrions être remorqués, mais "don't worry, no problem !" Les hauts-parleurs en cabine diffusent de la musique exclusivement, of course, américaine, avec Cyndi Lauper reprise en choeur par les deux Latinos assises derrière moi : "time after time".
A la douane, le traditionnel questionnaire (cf. la scène du film d'Oliveira, Christophe Colomb, l'énigme, où les deux protagonistes se font interroger en 1945 ou 47 à Long Island, l'un d'eux se faisant confisquer ses partitions de musique, des compositions originales, sous prétexte qu'elles pourraient contenir des messages codés...) agrémenté de systèmes électroniques bien plus sophistiqués permettant de ficher tout nouvel arrivant, empreintes digitales des dix doigts, et photo numérisée. Sous peu sur la planète entière : l'humanité sera tracée et fichée dans le Grand Ordinateur.
N'oublions pas que nous arrivons au pays qui est un monde à lui tout seul, Nouveau il le fut, le Centre il l'est devenu, du Monde qu'il dit Libre.
C'est précisément ce que dénonce le président de la CNIL, Alex Türk, estimant que le fichier Edvige, contre les abus duquel il s'était néanmoins prononcé, était de la gnognotte auprès de ce qui nous menace : la traçabilité de chaque humain électroniquement, et numériquement (carte bleue, téléphones portables, internet, blogs...) : tout concourt à nous traiter comme du bétail et à limiter notre liberté.
Ici, à Roissy-American Airlines et JFK, c'est déjà comme un ennemi ou un criminel potentiel qu'on vous considère.
Quand j'ai dû apposer mes pouces, puis les autres quatre phalanges de chaque main sur ce boîtier électronique, relié au Grand Ordinateur, j'ai presque regretté d'être venue au pays de la "liberté" (avec en prime ma tronche numérisée pour l'éternité...). Mes premières "freedom fries", ai-je pensé, sont dures à avaler.
Pourtant, c'est pour toi que j'avais traversé l'Atlantique...
Liberty...