File la laine, file les jours
Publié le 15 Octobre 2008
Le creux de la vague, le reflux du chagrin. Nous vivons par cycles, certains les ont répertoriés (bio-rythmes les ont-ils appelés), tantôt en haut, tantôt en bas... et ainsi nous naviguons de bas en haut et vice versa.
Je croise une femme tous les jours dans le métro, à Belleville, elle semble folle, elle l'est sûrement, suivant les critères de la "normalité"... assise sur le même siège, à la même heure, elle conspue les étrangers, les noirs, les pas Français dont elle ne se lasse pas de dénoncer les "tares".
Elle ferme les yeux et elle vocifère, comme une litanie, une prière.
Puis, certains jours, et de plus en plus fréquemment, de jeunes femmes bien habillées, très douces, s'approchent d'elle pour lui parler, elle les reconnaît, cesse son délire, les salue : "oh, comme vous êtes belle aujourd'hui". L'autre se penche, lui prend la main, lui demande si elle va bien. Ca dure 3 minutes, le temps que le métro arrive. Et, soudain, la folle devient une femme raisonnable, et sympathique au demeurant.
Qui est-elle ? ce banc de métro où elle vient chaque jour à 8h30, combien de temps y reste-t-elle ? que fait-elle après ? d'où vient-elle ?
Hommes et femmes égarés, abandonnés. Aujourd'hui, j'ai vu aussi, pour la première fois, un retraité (il avait plus de 60 ans) s'entraîner à distribuer Direct Matin à la sortie du métro. Sa chef, une jeune, l'encourageait à en donner même aux voitures stationnées au feu rouge, juste à côté. Je connaissais les personnes âgées qui font les poubelles pour arrondir leurs fins de mois, certains disant que c'est ce qui leur permet de partir en vacances... Je découvre les nouveaux travailleurs de plus de 60 ans, qui font des petits boulots pour pouvoir bouffer...
Dans le métro aujourd'hui, âmes grises, tristes mines... Des hommes à moitié endormis, somnolant pour rattraper les moments perdus de la nuit, attendrissants. Un jeune, un plus vieux... tous deux aussi fatigués qu'un enfant triste devant aller à l'école.
Mon vague à l'âme, les vagues qui toujours me bercent.
Je vous regarde, vous qui flottez comme moi dans l'air du temps, et je pagaie, je pagaie... pour avancer, pour atteindre... l'île, le pays, le continent... du renouveau.