Je me souviens d'Ellis Island
Publié le 28 Octobre 2008
retour... d'Ellis Island.
La 4e de couverture est éclairante :
"ce que moi, Georges Perec, je suis venu questionner ici, c'est l'errance, la dispersion, la diaspora. Ellis Island est pour moi le lieu même de l'exil, c'est-à-dire le lieu de l'absence de lieu, le non-lieu, le nulle part". (Ellis Island)
Je me souviens d'Ellis Island... je me souviens d'avoir été parquée, traitée comme du bétail, d'avoir senti ce qu'avait dû être pour tous ces immigrés, en transit pour la terre d'Amérique, cette humiliation d'être sélectionnés comme des bêtes... Ellis Island, c'est juste en face de la statue de la Liberté... c'est juste avant...
Je lis Le féminin et le sacré, C. Clément fait remarquer que les nazis avaient plus de considération pour les animaux que pour les juifs, dans leur transport en train ils prenaient garde à bien les traiter, les animaux... elle le relie à l'amour de BB pour les animaux de préférence aux humains.
Quel est votre plus beau souvenir d'école ? j'écoute à la télé, la pub pour Acadomia.
Je me souviens de mes premiers jours d'école en France, moi l'étrangère, moi l'immigrée... je ne connaissais pas un mot de français, eux pas un de portugais... et il a fallu se débrouiller. La maîtresse, si gentille, m'a prise sous son aile, elle avait décidé (ma mère me l'avait traduit : si à Pâques elle sait parler, elle passera dans la classe supérieure, et je suis passée en CE1...). Par la fenêtre je voyais les champs de maïs, pas tout à fait le même maïs que celui que j'avais laissé, là-bas, sur ces champs en terrasses, clôturés d'arbres autour desquels la vigne grimpait; vendanges sur une échelle, fruits de l'arbre... éternel.
Mes premières années ici, les maîtres qui m'ont accompagnée, je leur serai toujours reconnaissante pour leur patience, leur bienveillance, ils m'ont encouragée, félicitée... donné envie de m'approprier leur langue et leur culture.
Madame Capmas, Monsieur Pers...
Et les chansons qu'en CM2 j'ai écoutées et apprises à la radio... quelle merveille ! ce sont elles qui ont bercé tous les enfants que j'ai baby sittés...
Au bord de la rivière est une pauvre maison, dedans sont trois fileuses qui chantent une chanson...
Dans la forêt blanche d'Ukraine, glisse une blanche troïka, dans le silence elle promène, petit Boris et Natacha... raconte-nous, petite mère, ce qu'ils ont vu sur le chemin...
Mon Ellis Island français...
Surtout ma statue de la liberté ! je l'ai vue samedi dernier, dans le métro, en allant à Gennevilliers : oh ! sur le bord de Seine, elle ne m'a pas quittée, ai-je pensé. Les amis avec qui j'étais, étonnés : mais, elle a toujours été là ! oui, je sais, mais il y a peu je l'avais vue près d'Ellis Island, dans la baie d'Hudson.
Je me souviens du Ground Zero, d'Hiroshima... oui, je sais, ça n'a rien à voir...
Je me souviens de mon amour... Hiroshima...
Et j'ai tout vu, et tout retenu... je n'oublie pas.
Je me souviens de Georges Perec.