Blogs bourgeois, blogs prolos...

Publié le 1 Décembre 2008

"PIERRE BOURDIEU. – Le discours quel qu’il soit, est le produit de la rencontre entre un habitus linguistique, c’est-à-dire une compétence inséparablement technique et sociale (à la fois la capacité de parler et la capacité de parler d’une certaine manière, socialement marquée) et d’un marché, c’est-à-dire le système de « règles » de formation des prix qui vont contribuer à orienter par avance la production linguistique. Cela vaut pour le bavardage avec des amis, pour le discours soutenu des occasions officielles, ou pour l’écriture philosophique comme j’ai essayé de le montrer à propos de Heidegger. Or, tous ces rapports de communication sont aussi des rapports de pouvoir et il y a toujours eu, sur le marché linguistique, des monopoles, qu’il s’agisse de langues secrètes en passant par les langues savantes." (in Libération, 19 octobre 1982) - ajouté le mercredi 3 décembre pour illustrer le propos : lien


Ajout du jeudi 4 décembre : Je ne saurais trop vous conseiller la lecture de cet article d'Olympe, publié dans Rue89, "Le plafond de verre s'appliquerait-il à la blogosphère ?" lien


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Où vous situez- vous ? Bourgeois ou prolos ? mais... ça n'existe plus ces distinctions ! vous efforcez-vous d'essayer de vous convaincre : grand bien vous fasse.

 

En ce qui me concerne, je l'expérimente quotidiennement (en France, avec les Français, car, je dois le dire, avec les étrangers c'est un peu différent) la distinction sociale (merci Bourdieu) a toujours droit de cité.

 

Mais, vous en êtes convaincus, le Net est le lieu de la démocratie, de l'égalité... plus de milieu social qui tienne, tous se valent, tous sont égaux devant le Dieu des blogs.

 

Que nenni... Oyez, oyez... ce que d'expérience je voudrais vous conter.

 

Hier, rencontre... pas de classe sociale entre nous, quatre personnes : deux plutôt "popu" (ma copine et moi), deux qui sont nés là où il fallait et un à qui on laisse le bénéfice du doute (ou, soyons honnête, qu'on apprécie pour ses qualités à savoir transcender tout ceci).

 

Malgré tout... le "je suis très heureux chère Madame d'avoir fait votre connaissance" ça te plaque au sol... ça te dit : "attends, tu m'as regardé ? on n'est pas du même milieu... si je suis aussi condescendant c'est pour te le faire remarquer..."

 

Je me suis demandé si les blogs on pouvait aussi les "classer" socialement parlant.  Est-ce qu'un bourgeois sait exactement à qui il a affaire ? of course mon cher Watson ! lisez leurs blogs... ils ne sont construits (plus qu'écrits) que sur la "distinction" : je te reconnais, tu me reconnais, nous appartenons au même milieu... celui de la flatterie, tu choisis tes mots de façon adéquate (c'est-à-dire compliquée, comme un "prolo" ne pourrait faire), tu as déjà publié, peut-être, ou ne saurait tarder à le faire... eux ne sont que des ploucs du Net... ah ah ah... cons gratulons- nous. Donc, polissons (ou poliçons) bien nos mots, de sorte à ce qu'ils ne puissent nous suivre.

 

La nature est humaine (comme l'erreur !) et donc il faut nous pardonner... d'être amers, revanchards, et conservateurs par intérêt...

 

Ma liberté... je remercie le ciel de l'avoir mise en présent dans mon berceau... je la paie tous les jours, je la défends à corps et à cris.

 

Je sais qu'ils se bercent de douces illusions, ils pensent que leur naissance... leur réseau, leurs connaissances vont faire d'eux des Da Vinci, des Leonardo... Nous les voyons comme nous... dépérir, se flétrir... devenir de vieux machins... déprimés, pas plus que nous (les "pauvres") ils ne s'illuminent...

 

Mais tu ne nais pas Pessoa (personne) tu le deviens... tu te crois quelqu'un et tu n'es que le produit de ton milieu, de ton époque... tu n'es personne, finalement... A aucun moment, moi la prolo, je ne t'envierai... et pourtant je te reconnais comme mon frère, ma soeur, en solitude, en recherche de lumière. Je t'accueille dans ma pauvreté.

 

Bon, vous l'avez compris... vous n'êtes pas ici sur "un blog de fille"... je ne vous écris pas de jolis textes vous donnant envie, vous les garçons, de vous exprimer... ô comme c'est joli ce qu'elle dit (votre anima...), on va lui dire qu'on l'aiiiiiime, et tels des mites mâles vous vous collez au bog féromone femelle...

 

Alors ici,  ça les effraie les garçons... ils n'osent pas me laisser de commentaire... les filles, elles se disent que je suis trop "agressive", pas assez "féminine"... heureusement ,Simone de Beauvoir est morte... elle ne voit pas la régression... toutes ces filles qui font les... (euh... je ne trouve pas de mot) pour se faire aimer... AIMMMER, le maître-mot de l'humain.

 

Je leur réponds : LIBERTE.

 

 

Hôtel du Nord -  image linternaute.com

 

 

 


Découvrez Arthur H!

 

 

 

"Est-ce que ça te plaît d'éclairer l'univers ?" chante-t-il... "personne ne voit que ton ventre est le domicile d'un jeune soleil..." "ton rire, tes yeux"... "les soleils pleurent des larmes de plaisir"... "les soleils nous éclaboussent du sang de pamplemousse"...

 

Rédigé par Luciamel

Publié dans #blogs et blogueurs

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L
@Kfigaro : il me faudrait citer Beaumarchais, ou Mozart pour dire tout le bien que je pense de ton commentaire, le mieux c'est de lire ici. Le peuple, le chant, la flûte enchantée et l'initiation, accessible à tous (théoriquement), ici. J'en reviens à l'ésotérisme (un élitisme), et à l'exotérisme (la diffusion au plus grand nombre). J'espère ne pas avoir été trop hermétique... J'aime m'éloigner... de mes origines, de ma classe, de leur classe, de la classe... en général. L'irrévérence est pour moi synonyme de "grandeur", au sens "évangélique" du terme, heureux les pauvres en esprit : "Je demeure dans les lieux élevés et dans la sainteté, mais aussi avec l'opprimé et celui qui est humilié dans son esprit, afin de ranimer les esprits humiliés, afin de ranimer les coeurs opprimés" (Es 57.15). au sens qu'on le trouve ici, par exemple, mais nullement dans un prosélytisme de bon aloi, ou une chapelle où je ne me reconnais pas. Je conçois l'incroyance, le doute et puis je cherche. Je ne m'arrête pas. Le fado (fatum, fatalité, ou saudade...) : nous aurons l'occasion d'en reparler ou de l'écouter.
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K
décidemment je n'ai pas de chance avec cette fichu boite de commentaire ! désolé encore pour le doublon, je recommence...@luciamel : Wikio, par exemple, qui devient la bible des blogueurs.  Un magazine qui devient une référence aussi, il faut y être pour en être... : Vendredi (citation de blogueurs et de leurs sites : magazine constitué par la collaboration "bénévole" (?) de ses contributeurs). Je ne connais pas tout ça, il faudra que je me penche là dessus.@luciamel : Mon bac + 5, mon cours à la fac... sont loin de faire de moi une dominante : formatrice, il n'est qu'à voir la composition de l'équipe de profs dans mon école, exclusivement des femmes (va savoir pourquoi...), payées 1,5 SMIC, après 10 à 15 ans d'expérience, et exigence d'un Bac + 4, minimum (à la Guadeloupe, ça nous mettrait à égalité avec les ouvriers).bien sûr (et c'est exacerbé par les inégalités sexuelles si bien décrites par Bourdieu dans "La domination masculine" et peut-être aussi dans "La noblesse d'état") mais là encore je parlais uniquement des capitaux culturels et non pas des capitaux économiques (d'où le terme double dominant-dominé, le premier terme se référant au capital culturel, le second au capital économique). Il me parait évident qu'à salaire presque égal, un capital culturel supérieur constitue presque toujours un atout (sauf dans certains milieux, comme exemple certains milieux commerciaux où un capital trop élevé passerait pour de la pédanterie), entre autre pour agrandir son capital relationnel ou amical, dans ce dernier cas, il a été prouvé, chiffres à l'appui que les individus les plus dotés en capitaux culturels étaient également ceux qui sortaient le plus, avaient les réseaux amicaux (virtuels y compris) parmi les plus "riches", etc... Le capital culturel peut ainsi se transmuter en capital relationnel voire même économique si les structures ou si l'environnement sont appropriés...@luciamel : je suis épidermiquement  réfractaire aux chapelles et aux élitismes fussent-ils littéraires ou révolutionnaires (ça me donne des boutons).C'est également mon cas (je me méfie du dogmatisme politique et je vomis tout type d'élitisme), j'ai d'ailleurs connu une personne, une sorte de "chimère sociale" (corps et instruction de "prolo" mais cerveau d'universitaire ultra érudit) qui cumulait d'ailleurs ces deux spécificités ;). Tu imagines un peu ! un prolo ultra élitiste et militant tout à la fois (il était particulièrement "misérabiliste" en matière de musique, de cinéma, etc...).@luciamel : Les personnes qui m'ont donné le goût de la culture : la mère de mon amie d'enfance, elle lisait, lisait... et encore aujourd'hui, elle est l'un de ceux qui autour de moi sont le plus cultivés. Elle a travaillé toute sa vie en usine (elle était responsable de sa machine).Elle fait sans doute parti du monde particulièrement méconnu des "vrais" autodidactes (on trouve très peu de littérature sur le sujet, je dois avoir l'essentiel de ce qui existe en France), tout en sachant que la démarche autodidaxique n'est en rien inféodé au niveau scolaire : on peut avoir un Bac +X et se comporter comme un autodidacte curieux de tout (mais on parlera alors de "faux-autodidacte" ou d'autodidactes "légitimes" pour reprendre la définition de Bourdieu)@luciamel : Pardon de te contredire, mais le fado n'est aucunement une musique distinguée... au Portugal s'entend, car il y est chanté par des marins, des pauvres, ou des aristocrates.Sans nul doute, mes lacunes sont trop grandes dans ce domaine pour pouvoir juger de la réception de cette musique au Portugal, je parlais exclusivement de sa réception en France (qui me semble très différente).@luciamel : En France, je suis d'accord avec toi, il est souvent apprécié par une certaine classe dite "cultivée" (surtout Cristina Branco d'ailleurs, qui passe le 26 au Bataclan !).exactement ! d'ailleurs la musique du monde dans son ensemble est statiquement nettement plus appréciée (et ses codes indispensables correctement intégrés) par les individus les plus instruits. J'ai souvent observé que les fans français de fado étaient également de grands amateurs de jazz "légitime", de rock "distingué" (le rock est d'ailleurs en train de "s'embourgeoiser" depuis plusieurs années), de tango voire même de classique.
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K
Merci pour cette longue réponse (il y a parfois tellement de blogueurs qui ne daignent même pas répondre aux intervenants qui ne font pas partie de leur "cercle" immédiat), je te répondrais plus en détail dès lundi. par ailleurs, moi aussi je préfère le tutoyement sur le web, un univers à l'origine "libertaire" et non dépendant des conventions bourgeoises ou à la "contenance" toute française chère à un Didier Goux.<br /> <br /> Je suis également très content d'avoir découvert ton blog, surtout qu'outre notre passion commune pour la sociologie, nous partageons quelques points communs en ce qui concerne la musique et la poésie lusophone : je pense à l'art d'une Maria Bethânia entre autres...<br /> <br /> Par rapport au forum, mon pseudo est kfigaro :<br /> http://bossa-nova.forumactif.com/search.forum?search_author=kfigaro&show_results=posts<br /> <br /> je parle très souvent de sociologie là bas, presque plus que de musique d'ailleurs ! je m'intéresse aussi à la sociologie de la musique : j'ai lu un peu Adorno et également un sociologue récent comme Antoine Hennion.<br /> <br /> A lundi et très bon week-end ! ;)
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L
<br /> @Kfigaro : tout d'abord, j'aimerais dire combien ton (j'ai pour règle de tutoyer mes commentateurs, c'est mon côté "prolo") commentaire me comble, et plus, que je l'attendais depuis longtemps.Ce que tu abordes est tellement vaste qu'il me faudra user de méthode pour y répondre. 1. Ta recherche (passionnante) sur la blogosphère et l'origine sociale des blogueurs les plus influents : - c'est bien ce qui a motivé mon modeste et très rudimentaire billet, c'est ce qui continue à m'intéresser, au jour le jour de ma vie de blogueuse : voir et observer de l'intérieur (l'observation participante prônée par Malinowski) ce milieu. Je dirai, que c'est aussi ce qui me constitue depuis mon arrivée en France en 1968 : observer de l'intérieur cette société où j'ai été projetée. C'est aussi comme ça que j'observe les valeurs de la bourgeoisie, en m'en imprégnant, en les digérant. Je me suis interrogée à partir de la démarche d'un Castaneda... peut-on jusqu'au bout garder sa distance... ne risque-t-on pas à un certain moment d'être phagocyté par le milieu dans lequel on s'est plongé ? Il y a des classements qui se font, je n'ai pas encore eu le courage d'y plonger le nez... ou d'y jeter un oeil. Wikio, par exemple, qui devient la bible des blogueurs.  Un magazine qui devient une référence aussi, il faut y être pour en être... : Vendredi (citation de blogueurs et de leurs sites : magazine constitué par la collaboration "bénévole" (?) de ses contributeurs). 2. Dominant-dominé, dominé-dominé.Ca me rappelle le donnant-donnant, ou "gagnant-gagnant" de Ségolène Royal, celle que tous ont copiée... (même Obama, dit-elle), tout en la moquant.Mon bac + 5, mon cours à la fac... sont loin de faire de moi une dominante : formatrice, il n'est qu'à voir la composition de l'équipe de profs dans mon école, exclusivement des femmes (va savoir pourquoi...), payées 1,5 SMIC, après 10 à 15 ans d'expérience, et exigence d'un Bac + 4, minimum (à la Guadeloupe, ça nous mettrait à égalité avec les ouvriers).Mon cours à la fac : j'y suis la dernière roue du carrosse aussi, "vacataire" ça veut tout dire (l'année dernière on m'a tout bonnement sucrée des emplois du temps... erreur d'un responsable, lui, homme et en poste...), sans ce deuxième boulot, je ne pourrais pas m'en sortir (ni une fois par an me payer une semaine de vacances ailleurs)Quand je dis "blogs prolos" je ne m'y inclus pas. Quand je dis "blogs bourgeois", je ne m'y reconnais pas. Je suis d'accord avec toi, que des "blogs prolos" on n'en voit pas, ou, moi, je n'en connais pas. Je reconnais seulement le ton, la sensibilité... de ceux qui en ont été... dont c'est la famille. Je ne suis pas une Besancenotte des blogs... je suis épidermiquement  réfractaire aux chapelles et aux élitismes fussent-ils littéraires ou révolutionnaires (ça me donne des boutons).3. La culture.Les personnes qui m'ont donné le goût de la culture : la mère de mon amie d'enfance, elle lisait, lisait... et encore aujourd'hui, elle est l'un de ceux qui autour de moi sont le plus cultivés. Elle a travaillé toute sa vie en usine (elle était responsable de sa machine).Mes profs : de français, de maths. Moi, la petite immigrée, ils étaient tout fiers de m'éduquer.Aujourd'hui : je n'en fais pas une décoration sociale de la culture, c'est juste ce qui me nourrit. Je suis d'ailleurs très fière de ne pas avoir le pouvoir économique qui va avec (je ne revendique pas un ministère...).Ne pas être piégée par les sirènes du pouvoir... et de son goût.<br /> L'intelligence, et la culture ne sont le privilège de personne... elles ne sont le pouvoir que de certains.4. Le fado.Pardon de te contredire, mais le fado n'est aucunement une musique distinguée... au Portugal s'entend, car il y est chanté par des marins, des pauvres, ou des aristocrates.<br /> En France, je suis d'accord avec toi, il est souvent apprécié par une certaine classe dite "cultivée" (surtout Cristina Branco d'ailleurs, qui passe le 26 au Bataclan !). Mais sache que je ne suis pas "parfaitement" française... Quand j'en parle c'est par saudade... Pour terminer, c'est avec plaisir que je vais aller découvrir ton forum. Merci encore de t'être arrêté ici.<br />
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K
Je suis tombé ici en faisant une recherche sur les classes sociales dans la blogosphère (en réalité, je cherche des statistiques précises sur l'origine sociale des bloggeurs les plus influents et les plus lus, je n'ai pour le moment rien trouvé de précis sur le sujet). Je ne suis moi-même qu'un simple maquettiste diplômé mais je suis nettement plus "prolo" par mon statut que quelqu'un comme luciamel (Bac +5, formatrice, et chargée de cours à la fac, donc objectivement plus "dominante-dominée" que moi, modeste dominé-dominé, cad dominé économiquement par mon patron et n'ayant pas une "érudition" suffisante pour "dominer" - sur le plan symbolique  en tout cas -  sur les marchés culturels de tout type, en bref, dominé de tout côté ! (et ce malgré des origines familiales "métisses" sur le plan social, plus précisément, à mis chemin entre petite-bourgeoisie de province et monde agricole)Par rapport à la culture lusophone, je suis d'ailleurs uniquement connaisseur de musique brésilienne, je connais très peu la culture portugaise mais j'invite notre hôte à rejoindre le forum que j'anime si elle s'intéresse aussi à la musique du Brésil : http://bossa-nova.forumactif.comLà où je ne suis pas vraiment d'accord avec luciamel, c'est qu'elle semble à la fois sous-estimer le pouvoir du "marché des biens symbolique" (cf la référence à "Ce que parler veux dire") et l'exclusion par la culture indépendamment de l'exclusion économique ou statutaire. Et malgré le peu de littérature (voire l'absence totale !) sur le sujet, force est de constater que ce nouveau marché s'exerce aujourd'hui essentiellement dans le "virtuel", c'est à dire concrètement la blogosphère (qui a remplacé presque complètement les forums d'antan qui voient leurs fréquentation se réduire d'années en années comme peau de chagrin), les forums de discussions les plus fréquentés (les autres étant désertés depuis longtemps), myspace, facebook et pire encore même sur des sites comme Peuplade, qui normalement étaient conçus à l'origine pour rapprocher les simples "voisins", mais qui sont dans les faits nettement plus fréquentés par les dominants-dominants ou dominants-dominés (cadres, profs, universitaires, bibliothécaires, etc...) que par les dominés-dominés (et je pourrais vous citer des centaines d'exemples que j'ai trouvé là bas en guise de preuve !)Pour le dire autrement, même si luciamel défend à raison les "prolos", ce n'est clairement pas eux qui vont venir concrètement dialoguer avec elle sur un blog qui parle de musique aussi "légitime" et "distinctive" que le fado (lisez le bouquin de Lahire sur "La culture des individus" pour le détail de ce qu'écoutent ceux qui ont les statuts sociaux les plus modestes. Car à quelques exceptions autodidaxiques près, les musiques du monde, le jazz et l'opéra figurent rarement dans les préférences des dominés-dominés au contraire des dominants-dominés !), de philo, et pire encore de Bourdieu, dont la prose alambiquée n'est accessible qu'au seul Bac + X (et encore...). Bourdieu, lucide, avouait lui-même que la sociologie était une science sociale sans "assise sociale" (je ne me souviens plus exactement mais je crois bien que ce sont ses mots).Idem pour le blog de Didier Goux, et de la plupart des intervenants ici... Une seule lecture de 4 lignes piochées au hasard parmi leurs blogs et un seul regard sur l'iconographie qu'ils choisissent (voire même de la plate-forme de blogs qu'ils adoptent, l'expérience m'a en effet enseigné que Le Monde, Libération, Blogspot, seront plus "distinctifs" qu'overblog - légèrement moins "chic" et surtout que des plates-formes implicitement stigmatisées comme Skyblog ou Msn, repères connus d'adolescents souvent issus de classes sociales nettement moins favorisées à quelques exceptions près bien entendu).Mais pour en revenir à la culture et bien spécialement à la musique, le marqueur social se révélera aujourd'hui à la lueur de l'éclectisme revendiqué, de la boulimie culturelle et surtout à l'aisance de passer d'un style à un autre (comme Lahire l'a bien mis en évidence, les Bac + X ont plus de chance de "goûter" et surtout de connaître autant la musique classique, l'opéra et le jazz que les derniers tubes de rock ou de techno à la mode, alors que les dominés-dominés - comme votre serviteur - ne se limiteront qu'à un seul style voire deux ou trois à l'exclusion des autres - et il faudrait aussi parler des différences de "skholè" entre les dominés-dominés et les dominants-dominés, on n'en parle pas assez alors qu'elles sont capitales pour comprendre le fossé culturel entre les deux catégories de population, fossé qui ne fait d'ailleurs que s'agrandir malgré les facilités informatiques actuelles), contrairement aux clichés d'antan : les riches n'appréciant que la musique la plus légitime ou la plus 'snob', et les "pauvres" la variété populaire - tout ça a totalement volé en éclat dans notre époque hypermoderne...Bref, tout ça pour dire qu'il ne faut jamais perdre de vue que la distinction d'aujourd'hui n'est pas seulement "économique" et d'ordre statutaire mais elle est également culturelle !Mettons que je débarque ici : si je ne connais pas du tout Bourdieu et si mes connaissances en matière de lusophonie, de littérature légitime, etc... ne sont pas suffisantes, je peux me trouver "exclu" d'un blog aussi "distingué" et "savant" que celui ci, et ce même si luciamel se targue d'utiliser une "langue" qui n'est pas forcement des plus "chics".L'inégalité et l'injustice - tant économique que culturelle - sont absolument partout, et il faut les traquer constamment pour les mettre en évidence, tant la dénégation (je pense par exemple à la remarque légèrement hautaine de Didier Goux et au qualificatif très subtilement péjoratif de 'bourdivines') et le refus implicite de voir l'évidence sont grandes dans les communautés virtuelles de tout type.En réalité presque personne n'y réchappe ! puisque même ceux qui sont issus des catégories sociales les plus modestes pratiquent cette dénégation. Et en croyant lutter contre la domination sociale par leur seule érudition (cantonnée généralement dans la sphère la plus "légitime" : grande littérature, philo, musique "distinctive", etc...), ils participent de fait bien souvent à entériner la domination des formes culturelles les plus dominantes.
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L
@Lorenzo : oui, la culture ou "Balzac et la petite tailleuse chinoise" (pendant la période de la révolution culturelle en Chine), illustre bien ton propos. Dan Sijie, dans son livre et son film, nous conte l'importance de la culture comme nourriture de l'esprit. Merci pour ton éclaircissement, et bonnes fêtes !
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L
Où je me situe ?Déjà, c'est sympa de répondre aux commentaires.Et bien, je me situe nulle part en fait. Mes origines sociales sont mêlées, et je me sens à la fois bien mais légèrement décalé avec tout le monde. Bon bien sûr, j'ai les mêmes réseves que toi sur les gosses de riches mais en même temps, y en a quelques uns qui sont sympas.Par contre, je partage pas ta critique de la "bonne éducation", je pense justement que la seule chose sur laquelle les pauvres peuvent concurrencer les autres, c'est la culture. Je crois que tu parlais de bourdieu dans un de tes posts, il parlait de différents capitaux : le capital social (les relations), économiques, culturel, ... Quand on a ni les relations ni l'argent, la culture (et je dirais même la création) nous permet de jouer à armes égales.
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L
@Lorenzo : acceptable pour qui ? voilà toute la question ! qui veut se faire accepter de qui ? Et c'était bien ça le propos de mon billet, beaucoup de personnes issues de milieux modestes (voire pauvres) vont tout faire pour passer pour des "bourgeois" (le mot est peut-être à réinventer : des privilégiés ayant "ça" comme tradition familiale depuis un certain temps) beaucoup, donc, vont dans leur discours (dans leur façon de parler, d'écrire, de penser...) imiter les dominants, et, normalement, ils le deviendront eux aussi : des nantis, des "bien éduqués", sachant parler, ayant lu des tas de choses, allant au spectacle, au musée, etc.Si tu lis mes billets, tu remarqueras que leur rédaction n'est pas forcément très élaborée, la formulation simple me suffit. J'ai remarqué que, souvent, les immigrés maîtrisaient mieux l'orthographe, la grammaire, que beaucoup de Français (issus de milieux favorisés), et qu'aujourd'hui ces derniers doivent suivre des stages d'orthographe... pour ne pas passer pour des demeurés auprès de leur secrétaire (ben oui, ils doivent écrire leurs mails... et le logiciel de correction n'est pas toujours suffisant) et de leurs clients (à l'oral ils sont du tonnerre, mais pour la conjugaison...).<br /> Etre "prolo", c'est avoir l'accent de son milieu, même en ayant bac + 5, c'est à un moment donné ne pas faire le geste qu'il faut, ne pas dire la formule adaptée... le sentir, parce qu'on a pu vous le faire remarquer.<br /> Je le répète, pour la énième fois, j'ai beaucoup d'amis bourgeois très conscients et distanciés par rapport à tout ça.<br /> Toi, où te situes-tu ? penses-tu que ça soit utile de se situer, ou complètement dépassé ?
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L
Bonjour Lucia, j'aimerais savoir à partir de quand tu considères quelqu'un comme bourgeois. Par exemple, quand on vient pas de banlieue mais d'une famille pas riche non plus, est-ce qu'on est acceptable à tes yeux ?
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L
@Didier : la jeunesse, et les Elena, ont ceci d'agaçant qu'elles sont vivantes... le reste c'est de la gnognotte, des trucs qu'on se raconte (ma carrière, ma famille - pardon à tous les couples enturbannés dans leur "papa-maman-enfant de rigueur" - mon bonheur à tout prix... avant que je le rate). Pourtant, c'est sans les Elena qu'on est obligé de vivre aujourd'hui. C'est en France. J'ai l'énorme travers à un âge déjà avancé... d'être restée fidèle aux Elena (moi, il s'appelait autrement) de ma jeunesse.
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