Les blogs liquides
Publié le 4 Mars 2009
Etre blogueur c'est... être narcissique, je l'ai dit et redit, petit poucet rêveur qui égrenne des mots, écrivain frustré... ou journaliste en devenir, il se débat. C'est aussi donner... Celui qui fait son blog, avant tout, ouvre ses mains, il se met à nu (c'est facile de le lire, de ne même pas le commenter et de doucement rigoler... - quelle banalité, quel abruti (je laisse le masculin...), franchement il ferait mieux de se taire - ou de le jalouser, de l'admirer... au mieux).
Il donne de sa personne, de sa vie, de son nombril... (comme le disait si joliment Marie-Georges en faisant une fausse sortie).
Quand il nous quitte, pour de vrai... et ça lui est dur de vraiment s'y tenir, comme les chanteurs en fin de carrière qui nous font le coup de leur tournée d'adieux, il doit s'y reprendre à plusieurs fois... les feux de la rampe... trop dur de s'en séparer.
Alors, décidément... je m'interroge, en voyant disparaître les uns après les autres les blogueurs qui m'ont vue naître...
D'abord Milla, toujours vivante, soit ! mais un peu en veilleuse quand même.
Puis, Greg, ben plus de lien, puisqu'il a disparu... (il m'avait bien incendiée en partant... De profundis ! et tous mes regrets, mais il officie peut-être ailleurs, incognito...)
Simon Gaetan, il m'inquiète Simon... nous faisant le coup du blog réservé à certains privilégiés... (dont je n'étais pas) puis disparaissant corps et biens...
Et là !!! Mtislav... incompréhensible, incommensurable. Pourquoi ??? autant les autres j'avais pu le pressentir, autant là... je suis sans voix.
Il avait... non, je me refuse à l'imparfait. Il a une voix à la fois douce et insolente, à l'écoute de tous, essayant de les valoriser, par-ci par-là, se mettant très rarement en avant (sa vie privée ? à peine une manif et sa ville de résidence, que savez-vous de lui ?). J'ai cru comprendre qu'il était, ou sa famille, originaire de Venise. Mais, je ne suis pas une ancienne...
Je n'ose croire... qu'il l'ait vraiment fait, en plus sans prévenir. Disparu.
L'absurde en ce médium, ce truc, le blog... se confirmerait encore plus. Aucun compte à rendre à qui que ce soit, aucun lien social établi, tu disparais sans te justifier... Presque une relation amoureuse des temps modernes... T'envoies juste ta rupture par sms... et honte à celui ou celle qui crierait à la trahison... mais t'es possessive (ça c'est souvent féminin)... t'es pas cool !
Ca me renvoie, naturellement, à mon cher Zygmunt Bauman, souvent cité :
ici ou là
"La question reste ouverte : lequel des deux côtés de la médaille a contribué le plus à faire du réseau électronique et de ses instruments d'entrée et de sortie une monnaie d'interaction humaine si populaire et utilisée avec tant d'avidité ? Est-ce la nouvelle facilité avec laquelle on se connecte ? Ou la nouvelle facilité avec laquelle on rompt la connexion ? (...)
Les contacts demandent moins de temps et d'efforts pour s'y engager, moins de temps et d'efforts pour les briser. La distance ne fait pas obstacle au contact - mais entrer en contact ne fait pas obstacle à l'éloignement. (...)
Contrairement à l'ancienne proximité topographique, [la proximité virtuelle] ne demande pas plus que les liens soient établis à l'avance que de réussir à les établir en conséquence. "Etre connecté" coûte moins qu'"être engagé" - mais c'est également moins productif en termes de construction et d'entretien de liens."
Zygmunt Bauman, L'amour liquide - De la fragilité des liens entre les hommes (titre original : Liquid Love)
Oui, dans cet ouvrage Bauman se penche surtout sur les relations affectives entre... les humains... (homme-femme, ou autre).
Je cite (la 4e de couverture) :
"Le monde liquide de la modernité triomphante est celui de la liberté, de la flexibilité, mais aussi de l'insécurité. Bauman s'interroge sur ces relations humaines où l'on jauge, évalue, choisit, jette, où l'on passe des contrats et des deals temporaires : tu me plais-tu ne me plais plus; je te prends-je te quitte. Je refais ma vie. Les couples se composent, se décomposent, et se recomposent ou bien ils vivent "semi-attachés". Les relations durables ont été "liquidées" au profit de liaisons flexibles, de connexions temporaires et de réseaux qui ne cessent de se modifier, aussi bien sur les plans sexuel et affectif qu'au niveau du voisinage, de la ville et finalement de la société tout entière."
Je vous incite à le lire, encore une fois.
Photo (c) Luciamel. Pardon, si je n'ai pas actualisé...