Toi, l'étranger, l'étrangère.
Publié le 18 Mars 2009
- Bonjour, je vis dans la rue, vous pouvez m'aider en m'achetant ce numéro spécial "L'origine des stations de métro", c'est 2 euros, pour moi ça sera un euro, ça me permettra de me laver, d'avoir, peut-être de quoi manger ce soir... J'ai 40 ans, c'est dur à mon âge de trouver un emploi. Souhaitez-moi de m'en sortir, souhaitez-moi que demain vous ne me reverrez plus.
Wouah... c'est dur dur... d'autant que ce matin j'ai vu que "mon" SDF de l'hiver, celui qui vit en bas de chez moi, avait disparu... comme l'année dernière d'ailleurs, au printemps, au moment des expulsions, le 15, je le sais car c'est le jour de mon... anniversaire (vous vous en souviendrez pour l'année prochaine), il s'en va.
Mystère et boule de gomme : où va-t-il pendant la belle saison ? sacrée cigale, il repart chanter sa chanson.
Alors, tout émue et attristée je lui ai tendu mes deux euros à mon quarantenaire du métro.
Il m'avait repérée déjà, et venant vers moi il m'a lancé :
- Bonjour Mademoiselle !
- ???
- Ben, ça vous fait pas plaisir que je vous rajeunisse ?
- ???
- Ben oui, je vous rajeunis de 2O ans...
- ???
- Non de 25 ans !
- !!!
Dur, dur... tu vas bosser, tu fais la charité, tu ne peux même pas être gréviste, ni manifestant, vu que tu n'es qu'un stupide employé... payé 1,5 du SMIC, que le droit de grève faut même pas rêver, peut-être le jour où tu seras fonctionnaire, peut-être le jour où tu seras au chômage, peut-être le jour... Alors, aller manifester tu laisses ça à... ceux qui peuvent. Et un SDF te remet à ta place, te rappelle tes plus de 45 ans, il te le dit, lui, sans faux-semblant, que ça se voit comme le nez au milieu de ta figure, ton âge. Merci, Monsieur, c'était justement mon anniversaire !
Bon, vous commencez à me courir avec mon âge... avec mon caractère, avec mes fesses et mes seins (oui, je suis une femme) : stop de les juger, évaluer, comparer, apprécier, déprécier ! Comme dirait ma chère Olympe, si j'avais été un homme, jamais on ne m'aurait fait cette réflexion-là, jamais on n'aurait mis en avant mes 49 ans, signalé, relevé, interrogé... (lui le SDF, pourtant homme, se demandait si à 40 ans il n'était pas trop vieux... mais il était SDF... et ça semblait scandaleux, et c'est ce qu'il voulait dénoncer, qu'à 40 ans, lui, on le mette au rebut).
Demain je n'y serai pas dans le cortège... je serai au boulot.
Bien malgré moi. Juste parce que je suis salariée... et doublement privée de droits (en tant que salariée du privé, et en tant que femme).