Ca ne prévient pas, ça arrive...
Publié le 6 Avril 2011
photo (c) Luciamel, Lucas, 29/01/2006, nouvel an chinois, bruits de pétards, Paris
Aujourd'hui je me suis prise en photo, et j'ai même fait une vidéo. J'ai voulu (après m'être fait couper les cheveux) voir, non pas mes bons côtés (j'ai coutume d'éliminer les photos moches, celles où mon double menton, mes rides, ma peau qui tombe... n'apparaissent pas) mais tout ce qu'il y a d'horrible en moi.
Et, soudain, j'ai reconnu ma mère. Je l'aime ma mère, je la trouve belle, mais je l'ai toujours vue plus vieille que moi. Là, je l'ai aperçue à ma place.
Le choc. Et puis, après un temps d'apprivoisement, l'acceptation de ce que je suis : une femme de 51 ans dont les traits se plissent, le cou s'épaissit, l'air se durcit... mon ex-petit ami a bien raison de dire : "tu es belle quand tu n'es pas préoccupée", car quand je le suis, préoccupée, j'ai vraiment l'air d'en vouloir à la terre entière...
Ca doit être ça qui fait que presque tous mes moniteurs d'auto-école me parlent comme à un chien... je n'ai pas l'apparence de la petite minette (de 18 ans), bonne à draguer, j'ai le physique de la "dame chiante" de plus de 50 ans... Ils commencent par entrer dans la voiture en demandant, pour le plus gentil : "ah, vous voulez passer votre permis... (i.e. à votre âge) mais pourquoi ?". Le dernier est arrivé en ronchonnant et pendant deux heures il n'a pas arrêté de m'engueuler :
"Pourquoi vous collez aux voitures à droite ? c'est un sens unique !
- ....
- Vous ne me répondez pas ? j'attends...
-....
- Vous ne voulez pas me dire pourquoi ?
- Non, je ne vous répondrai pas, car ça ne mérite pas de réponse, votre question n'a pas de sens. Vous pourriez me donner des explications, m'enseigner des choses, pas me critiquer et me remettre en question tout le temps, j'apprends à conduire, je n'ai pas besoin qu'on me sermonne sur ce que je n'ai jamais appris."
Après une heure, il concluait :
"Il y a des gens qui ont leur permis au bout de 30 heures, pour d'autres 150h n'y suffisent pas ! [j'en suis à ma 7e heure après 3 semaines d'interruption].
- Vous avez tout de suite eu un a priori négatif en me voyant.
- Regardez, vous vous en êtes au démarrage/arrêt de la voiture, deux heures de conduite c'est trop ! On ne pourra rien faire, une heure c'était largement assez, c'est du temps perdu...
- Je n'avais jamais calé avant aujourd'hui... et ce n'est pas ma faute, c'est le secrétariat qui m'a imposé deux heures.
- Bon, garez-vous là, à la station-service, on va faire le plein. Faites attention en tournant !"
Au bout de deux heures, on en était presque arrivés à l'engueulade (je me suis vraiment contrôlée et lui aussi) :
- Vous savez qu'il y a un permis boîte-automatique, c'est ce qu'il vous faudrait à vous...
- Et vous vous savez qu'il y a d'autres professions ? maître nageur, par exemple, vous devriez essayer."
Néanmoins, je ne comprends pas qu'on soit si désagréable avec moi, sous prétexte que je ne suis plus une jeunette émoustillante (pour ne pas dire "pas bandante"). Comment se permet-on de me parler comme à un être dont le seul intérêt (sexuel) se serait retiré ?
Une femme n'est-elle que cela ? son pouvoir de séduction et son potentiel à procréer ? En dehors elle ne serait plus rien... si elle n'est pas mère ni grand-mère (car cela doit se voir que je ne le suis pas)... elle devient un être humain sans valeur : ses idées, ses propositions pour la société, ses créations, ne sont rien. Ce qu'elle est n'est rien de reconnaissable, socialement parlant.
Cela fait quelques années (trois, cinq...) que je remarque ce dédain autour de moi, de la part des hommes... (essentiellement ceux qui ne me connaissent pas personnellement) qui semblent me considérer comme un être humain méprisable... un être humain de moindre valeur, une femme non sexuée, moins désirable, et, donc, moins intéressante (on ne peut/veut pas te "baiser" donc tu ne vaux rien... et la sagesse ? vous en faites quoi ? ah ? elle n'est que masculine, la sagesse ? ah ? vous en êtes sûrs ?).
J'observe cela, comme j'observe le temps qui passe. Or, le temps n'existe pas...