Communiquons ou communions ?
Publié le 26 Octobre 2011
photo (c) Luciamel, rue des Blancs Manteaux, Paris, octobre 2011
Je me souviens du temps où on n'avait pas le téléphone... Alors, c'était le super engagement, à telle heure à tel endroit, ça devait être sûr, c'était "croix de bois, croix de fer". Les rendez-vous tenaient parfois sur des semaines (imaginez que pour annuler quelque chose il fallait s'écrire des lettres qui mettaient des jours à arriver...). Pourtant, on se voyait tout autant, si ce n'est plus, qu'aujourd'hui. Et puis, on se faisait des visites surprise...
Un jour le téléphone s'est généralisé (dans les familles modestes s'entend), ça ne fait pas si longtemps : 30 ans, 35 ans ? Personne n'aurait imaginé de ne pas répondre quand il sonnait. On était soit là, soit pas là. Point. Logiquement, à certaines heures, on était presque toujours sûr de joindre les gens.
Puis, d'abord des Etats-Unis, les premiers répondeurs sont arrivés. Des engins permettant de "filtrer" les communications : on pouvait décider de répondre, ou non, suivant l'envie, ou notre disponibilité... à celui qui nous appelait. C'était le milieu des années 80. Les répondeurs-enregistreurs étant les plus sophistiqués, car ils permettaient à nos interlocuteurs (en même temps que nous les écoutions...) de nous laisser un message. Le pouvoir de la COMMUNICATION commençait à édicter sa loi sur nos vies.
Le reste vous le connaissez : le téléphone portable, les sms, les messageries, les mails... Aujourd'hui, on est joignable comme on le veut et quand on le veut. On filtre, on zappe à tout va. L'autre est devenu une sorte d'émission de télé, qu'on regarde en direct ou qu'on enregistre pour plus tard.
Je ne suis pas vraiment nostalgique des temps anciens, la fuite n'attend pas le nombre des années... On a toujours su se défiler de l'autre, on a toujours su s'en rapprocher... quand le besoin s'en faisait sentir. On pouvait faire des kilomètres pour rejoindre sa bien-aimée, tant la séparation nous coûtait, on pouvait aussi accepter un travail éloigné pour quitter une relation pesante. Aujourd'hui, rien n'a changé, si ce n'est qu'on est souvent obligé de répondre aux sms, aux messages laissés sur le portable, ou aux mails dans notre messagerie... à l'autre bout du monde on peut couper le fil à n'importe quel moment, mais on est tenu de COMMUNIQUER à un moment donné. Le silence, le temps de la suspension du contact est de plus en plus court : on a tout au plus un jour pour répondre, sinon c'est un incident diplomatique (le délai servant à indiquer la valeur de la relation).
J'aime cette nouvelle forme de communication, ces nouveaux échanges, qui nous rendent plus exigeants, mais aussi plus créatifs : nous écrivons tout le temps... Nous parlons moins, nous écrivons plus. L'écrit nous rapproche de notre âme, la parole nous mettant quant à elle souvent hors de nous, pour nous faire communier avec autrui, soit ! mais en nous faisant perdre parfois notre chemin...
Je vous le dis quand même, rien ne vaudra jamais un bon tête-à-tête. Etre deux, en un même endroit, à se regarder, à se parler, à s'écouter... c'est magique. Vous devriez essayer.