Fière d'avoir menti
Publié le 6 Décembre 2011
Lu aujourd'hui, dans le journal Le Monde Le Figaro, un article qui m'a remuée. L'image de cette femme, son courage, sa force m'impressionnent a posteriori. Elle s'appelle Dilma Rousseff, et, aujourd'hui, elle est Présidente du Brésil. C'est son discours, enregistré sur Youtube, quand, en 2008, elle a dû répondre à un sénateur de l'opposition, qui l'accusait d'être une "menteuse" parce qu'en 1970 (elle avait 22 ans), sous la torture, elle n'avait pas dit la vérité à ses tortionnaires. Elle a passé trois ans en prison, et n'a jamais avoué. Sur la photo (récemment retrouvée par un journaliste), face à elle, ce sont ses "juges" qui baissent le regard, car après des heures, ou des jours, de torture elle continue à les narguer et à refuser de donner le nom de ses camarades.
L'info a fait le buzz au Brésil, mais encore aujourd'hui certains la traitent de terroriste, de communiste... d'autres l'admirent.
Dilma Rousseff, Youtube, face aux inquisiteurs.
Dans ce clip on entend la voix de Dilma face au sénateur Agripino Maia. Elle explique : "J'avais 19 ans, j'ai passé trois ans en prison, et j'ai été atrocement torturée, sénateur. Et une personne qui osait dire la vérité face à ses interrogateurs mettait en danger la vie de ses camarades, elle les livrait à la mort. Je suis très fière, sénateur, d'avoir menti, parce que mentir sous la torture... ce n'est pas facile. Aujourd'hui, en démocratie, on dit la vérité. Face à la torture celui qui fait preuve de courage est celui qui ment ! (...) Je suis fière d'avoir menti, parce que j'ai sauvé des compagnons de la torture et de la mort. (...) Il n'y a pas de place pour la vérité, c'est ça qui tue, ce qui tue dans la dictature, sénateur, c'est qu'il n'y a pas de place pour la vérité, dans une dictacture, il n'y a pas de place pour la vie, sénateur. (...) En 1970, j'avais entre 19 et 21 ans, et, de fait, j'ai combattu la dictature militaire, et de ça j'ai une immense fierté."
La musique est celle de Chico Buarque et de Gilberto Gil (ici interprétée par Chico et Milton Nascimento) : "pai afasta de mim esse càlice"... père, éloigne de moi cette coupe. Chant de résistance à la dictature (1973) ou le calice (càlice) joue avec l'homophonie (cale-se : tais-toi).
Que voulez-vous, ce sont de telles infos, qui me disent que le monde l'humanité ne va pas si mal, et que tant qu'il y aura des Dilma Rousseff, et qu'un jour elles pourront être élues à la tête d'un pays, est le signe que la situation n'est pas si désespérée : nous avons vu pire, ou aussi grave, et nous nous en sommes toujours sortis, alors :
25 de Abril 1974, revolução dos cravos, révolution des oeillets, Zeca Afonso.