Les murs et Felix Nussbaum
Publié le 2 Novembre 2010
Felix Nussbaum, son dernier tableau La mort triomphante, avant sa déportation pour Auschwitz où il mourra en 1944. Exposition en ce moment au Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme.
Ombres sur Berlin, les ailes de l'ange ont tout recouvert, les anges que j'ai désespérément cherchés. Pendant tout le jour, l'impression d'une vie aseptisée, et, à la tombée de la nuit, la pénombre, le silence, comme un voile sur le passé amenant une inquiétude, une tristesse infinie. On parle bas, on ne fait pas de grands gestes, on n'est pas trop démonstratif, le regard est étrangement calme. J'avais par moments le sentiment de me retrouver dans le monde de Disney, une vie à la sauce américaine, mots d'ordre : propreté et efficacité. Ou, alors, de sortir d'un hôpital psychiatrique, après une cure de désintoxication. Quand on est imprégnée de culture latine... ça fait ça la trop grande quiétude...
Je comprenais mieux la révolte d'une Charlotte Roche avec ses Zones humides, obsédée par la saleté, le dégueulis, le corps, le pipi-caca... et autres mucosités, comme une enfant emprisonnée par trop d'hygiénisme, de névrose petite-bourgeoise-écolo-rance. Nina Hagen, bien avant, avait voulu faire éclater les carcans d'un monde "communiste sclérosé", avait voulu exprimer la pleine liberté de l'artiste. Mais en parallèle à ces deux exemples je voudrais poser l'oeuvre d'Elfriede Jelinek, l'Autrichienne, qui, avec La pianiste, va bien plus loin dans la tentative d'extirper la racine de la névrose humaine, la racine de la névrose féminine (les liens à la mère, le débordement sexuel, la recherche effrénée de liberté); ainsi que celle de Marina Abramovic, la Serbe, dans la relation au corps et la quête d'absolu, en une démarche quasi-mystique (voir ses nombreuses performances, mais surtout celle qu'elle a réalisée cette année au MOMA).
Qu'est-ce que la quête de liberté, et que signifie la libération ?
Celle de Nina Hagen idéalisant l'Occident et ses "excès", celle de Jelinek intrinsèque à la psyché, dans son écriture même, celle de Marina Abramovic, atteignant de nouvelles formes de présence au monde, ou celle d'une "gamine" comme Charlotte Roche, tapant du pied ?
Toutes me semblent vouloir sortir l'humain, la femme, de la prison de l'habitude et sa folie (je pense à The Hours... le fabuleux film sur, entre autre, Virginia Woolf), du conditionnement, d'une vie trop rangée, mais, surtout, ouvrent des fenêtres d'interrogation autour du soi.
Le mur. Une trace dans la ville. Ce qui a précédé le mur, une tache que la nuit se plaît à rappeler, tandis que le jour fait mine de l'oublier... La nouvelle synagogue pourtant, tous les lieux de culte juifs sont là en hyper-présence ostensible... comme pour demander pardon, comme pour se souvenir de ce qui fait partie de la "faute collective".
Il est loin le temps des Ailes du désir... la ferveur, le goût, l'envie de liberté, car l'ombre du monde "moderne" semble s'être posée sur Berlin.
Au départ de la balade, la MonbijoustraBe, un clin d'oeil... mais pourquoi ce nom français à Berlin, au détour de mon premier chemin ? Euterpe m'a expliqué que les Français avaient été accueillis et très appréciés, au moment de la révocation de l'Edit de Nantes et autre... Au fond la Neue Synagogue. Un squatt sur Orianenburger StraBe, je crois... puis le célèbre Tacheles qui va bientôt fermer et quelques unes des oeuvres qui y sont exposées. Une oeuvre de rue vers l'Alexander Platz, la Französische StraBe et son dôme, l'église française et le musée des Huguenots, construite en 1701-1705. La Porte de Brandebourg, si banale et pourtant si... fabuleuse, il suffit de voir les photos en noir et blanc, les destructions-reconstructions au travers des siècles (elle fut édifiée à la fin du XVIIIe siècle), la chute du mur... Et puis la sortie du tunnel, ça n'était pas à Berlin, c'était dimanche vers Gif-sur-Yvette.
photos (c) Luciamel