Femme au volant
Publié le 25 Novembre 2010
photo (c) Luciamel (manif' Paris, octobre 2010)
Réussir ou échouer. Nous préférons tous la première option, et pourtant c'est souvent la seconde qui nous fait progresser par rapport à nous-même et au cours de notre vie.
Ouf ! je l'ai eu : mon code. Je ne sais comment j'aurais survécu sinon. Ma mère ne m'aurait pas lâchée (elle m'a offert mon permis pour mes 50 ans...) : "alors, tu es allée à ta leçon ? alors, tu révises ? alors...". Ouf ! je l'ai eu.
Rater ton code alors que tout le monde te dit que c'est hyper-facile... c'est une énorme pression. Les quarante questions défilaient et je n'en pouvais plus, le boîtier, A, B, C, D, "valider", "correction"... 15 secondes de réflexion. Ai-je bien appuyé ? ça va trop vite... c'est trop facile, aïe, je me suis trompée...
On t'appelle, à la fin des 30 minutes, et ton sort d'automobiliste est jeté, "favorable", ou "défavorable". Il me regarde à peine, sans un sourire, il me dit : "c'est bon"... j'ai cru que j'avais fait quelque chose de travers... mais, vous comprenez, j'ai 50 ans... ses sourires, il les réserve aux petites jeunes femmes qui m'ont précédée, ou bien, est-ce mon look qui est trop... ou pas assez ? toujours le code de la séduction... et le permis d'être femme... Je demande : "combien de fautes ?", lui, toujours aussi cul-pincé : "2". D'après son expression, j'aurais pu croire que j'avais mal fait. A ses yeux, j'étais hors catégorie, ou, hors circuit. Une "non femme", ou comme dirait Nicolas (qui citait d'autres personnes)... une "non baisable"... une non violable ? ah... même pas... car, figurez-vous, qu'on viole aussi les non baisables... si, si... de vieilles dames... ah, oui, c'est au Congo... ah, oui... le viol... en France, c'est la jolie affiche BCBG... (presque érotique) qu'ils nous ont pondue... les communicants, à croire qu'ils ne savent pas voir plus loin que leur milieu...
Je déteste les voitures. Mes parents m'ont demandé de passer mon permis, car ils pourraient avoir besoin de moi et que je les conduise sur leurs vieux jours (qui sont déjà là). J'ai dit oui. Alors, d'abord ça m'a amusée, sauf que cette histoire a fini par me gonfler. Depuis 6 mois... je commençais à tout mélanger, à oublier des choses vues au début, à trouver que tout n'était que business et incohérence de formation. Re et re-ouf !
Oui, mon visage a vieilli. Oui, je vais me mettre à conduire à 50 ans (j'espère !), ou, plus probablement, à 51 ans. Oui, je suis un être humain qui n'a plus les atours sexuellement attirants au tout-venant (je vous signale que c'est aujourd'hui la journée contre le viol, et que, donc, demain tous les violeurs vont pouvoir se remettre à violer...) : quand vous êtes femme les choses sont compliquées... soit vous êtes jeune et attirante et on vous dit que vous êtes responsable du fait qu'on vous saute dessus... soit vous êtes vieille et fripée (si si... surtout après une nuit à pas dormir... de peur de rater le code) et on estime que vous êtes un vieux déchet.
Oh ! ça va !!! Vous commencez à ouvrir vos yeux, vous, là !!!
Non, je ne vais pas faire comme Isabelle Adjani qui s'est mis en tête de faire concurrence aux frères Bogdanoff. Je laisserai tomber mes seins (et, je vous signale, en passant, qu'ils ne tombent pas tant que ça, les seins), je laisserai blanchir mes cheveux, et mes yeux se plisser. Why not ? (pourquoi pas ?)
Ma réponse aux violeurs est : Kill Bill.
Ma réponse à ceux qui ne savent pas regarder les gens (hommes ou femmes) est : pas grave ! je vivrai sans votre regard... Je m'illuminerai sans votre regard, et mon échec sera ma gloire.