Quand le fado se mèle d'accordéon et de tango
Publié le 31 Octobre 2009
"enfants, venez chanter l'espoir
enfants, il n'est jamais trop tard
enfants venez chanter un chant de liberté,
dans un monde à votre idée"
(Nicoletta)
Voilà les idées révolutionnaires qui ont bercé mon adolescence. Après étonnez-vous que moi l'enfant post-soixanthuitarde (j'avais 8 ans et n'étais même pas encore arrivée en France, cela ne se fera qu'en septembre), je m'interroge sur l'héritage qui m'en est resté...
Pourtant je les ai crus à fond, mes profs... eux qui, issus de milieux bourgeois, nous enjoignaient nous les enfants d'immigrés, nous les enfants de prolos, à tout envoyer valser... à croire qu'un monde nouveau allait arriver.
J'avais 13 ans... (un âge qui semble poser question à certains), j'ai l'impression d'avoir vraiment appliqué à ma vie d'aujourd'hui leurs idéaux de ce temps-là. Ma surprise est grande de voir que les soixanhtuitards qui m'avaient inspirée ont eux suivi la voie de leurs parents : ils sont devenus des nantis, des bourgeois avec famille et enfants, qui font tout pour leur confort et la future carrière de leurs descendants...
Alors, quand j'entends, aujourd'hui, les chantres de la révolution, de "l'engagement de gauche" BCBG, ces Martin Hirsch des associations... qui se disent DAL ou CAL (la "cause des immigrés" n'est, malheureusement, pour eux, qu'un vernis pour recouvrir leur mauvaise conscience de privilégié, ils l'ôteront bien vite à la première occasion de débauchage, ou de promotion), quand je regarde leur pedigree, c'est toujours les "père Noël" de mon enfance que je reconnais. Ils font leurs armes à gauche, comme d'autres font un stage dans l'entreprise de papa (qu'ils s'appellent Jean Sarkozy, ou Marie Bové, n'est qu'anecdotique), il leur sera toujours aisé de se ranger des voitures quand la bise sera venue.
Déçue par mes maîtres, oui. Déçue par eux en qui j'avais cru (la vie en communauté, le bateau pour faire le tour du monde, construit sur un chantier près d'Aigues Mortes... le risque de finir sa vie aux quatre vents...).
Déçue par des humains, trop humains... accrochés à préserver leur sécurité et l'idée de famille... (aujourd'hui profs à l'éducation nationale, bourgeois abonnés au centre culturel de leur quartier, et dont les enfants vont, naturellement, faire les meilleures études qui soient) quel paradoxe !
(Alors, ne critiquons pas trop vite les conservatismes d'autrui... Au fond, nous sommes tous des réactionnaires.)
Tous ? peut-être pas... Il en reste quelques-uns, des irréductibles, peu... ils étaient, peu ils sont restés : Béatrice, Roger, Gabriel, François, Rodolphe, Zoltan... et quelques autres, en vous je reconnais mon passé, vous êtes mes amis, finalement... on est plus nombreux que je ne croyais.
Pourtant, je sais que "les brebis égarées", au moment de leur mort, renoueront avec l'essence même de leur vie : la liberté dont ils avaient rêvé.
Enfin, ils partiront sur ce bateau qui peut nous mener au bout du monde.
Et leur fado se mèlera à l'accordéon et au tango...
Ce billet en écho à celui de Gaël, qui m'a inspirée... merci l'écureuil.