Révolte-moi, mon amour
Publié le 27 Mai 2011
Le Portugal vit une terrible crise économique... et c'est l'Espagne qui se soulève. Paradoxal ? non, élémentaire mon cher Watson.
Comprenez que la révolution s'est faite au Portugal avec des oeillets et que les soldats en ont eux aussi été l'emblême (voir le groupe Homens da luta concourant à l'Eurovision cette année : le soldat est aujourd'hui encore le symbole du renversement du salazarisme). Tout commence par de la dérision, tout finit par un fado.
Une nation qui attend toujours le retour de son roi disparu à Alcacer Quibir (1578) ne peut pas être véritablement sérieuse... Don Sebastião dont Fernando Pessoa a fait un mythe, retraçant à la fois l'épopée d'un peuple et l'attente mystique d'un cinquième empire, dans le seul livre publié de son vivant : Mensagem (message). Sebastianisme... ou messianisme à la portugaise. Mystère des Lusitaniens tournés vers l'océan, et vers l'au-delà... Lire l'excellent texte de Mathieu Leroux sur cette question, et à qui j'emprunte la citation de Fernando Pessoa :
il ne nous reste qu’à conquérir le Ciel
en laissant la Terre aux autres...
Sois pluriel comme l’univers."
Fernando Pessoa
Mourir pour des idées... oui, mais de mort lente, chantait Brassens. Au Portugal ça serait plutôt "pleurons d'amour... mais... lentement" (en suivant le conseil d'André Comte-Sponville dans "aimer désespérément") ainsi nous ne serons pas malheureux, aimons terriblement en ayant toujours présent à l'esprit que demain... tout sera peut-être fini ("le pire" comme protection), mais, surtout, aimons... totalement. Quel est donc ce peuple qui préfère à la colère économique, et aux manifestations, l'amour et la dérision ?
"Lábios que beijei
Mãos que eu afaguei
Numa noite de luar assim
O mar na solidão bramia
E o vento a soluçar pedia
Que fosses sincera para mim
Nada tu ouviste
E logo partiste
Para os braços de outro amor
Eu fiquei chorando
Minha mágoa cantando
Sou a estátua perenal da dor
Passo os dias soluçando com meu pinho
Carpindo a minha dor, sozinho
Sem esperanças de vê-la jamais
Deus, tem compaixão deste infeliz
Por que sofrer assim?
Compadecei-vos dos meus ais
Tua imagem permanece imaculada
Em minha retina cansada
De chorar por teu amor
Lábios que beijei
Mãos que eu afaguei
Volta, dá lenitivo à minha dor"
Lèvres que j'ai baisées
Mains que j'ai caressées
Une nuit où ainsi la lune luisait
L'océan dans la solitude hurlait
Et le vent en pleurant suppliait
Qu'avec moi tu sois vraie
Tu n'as rien entendu
Et vite tu as disparu
Dans les bras d'un autre amour
Je suis resté à pleurer
Ma douleur s'est mise à chanter
Moi la statue éternelle de la peine
Je passe mes jours à pleurer
Regrettant ma douleur, ma solitude
Sans espoir de la revoir jamais
Dieu, aie pitié de ce malheureux
Pourquoi dois-je souffrir ainsi ?
Compatissez à mes cris
Ton image demeure immaculée
Dans ma rétine fatiguée
De trop pleurer d'amour pour toi
Lèvres que j'ai baisées
Mains que j'ai caressées
Reviens calmer ma douleur.
(traduction (c) Luciamel)
photo (c) Luciamel, 25/05/2011, Paris