Sabina Spielrein
Publié le 11 Janvier 2012
Déjà en 2008 elle inspirait mes tout premiers billets sur Ladies Room ("M'aimez-vous docteur Jung ?"). Ici aussi, je m'y étais référée. D'une certaine façon, la lecture de Sabina Spielrein entre Freud et Jung, après le film l'Âme en jeu, a changé ma vie. Le film de Cronenberg, A dangerous method, ne m'a pas appris grand chose, ni ne m'a bouleversée outre-mesure (par la mise-en-scène ou le thème) si ce n'est qu'il m'a encore interrogée : pourquoi ne la découvre-t-on qu'aujourd'hui ? Pourquoi Sabina Spielrein a-t-elle si peu intéressé les intellectuels ? mon article de Ladies Room avait recueilli deux commentaires : les miens...
Qui est-elle ? je vous renvoie à mes précédents billets... en vous copiant le début de celui publié sur Ladies Room, en 2008 :
photo (c) Luciamel, le 7 janvier 2012, rue Ste Croix de la Bretonnerie, Paris.
"Elle s’appelle Sabina Spielrein, elle a été la patiente de Jung, alors que lui-même était un jeune médecin découvrant la psychanalyse. Internée pour troubles graves (hystérie, anorexie), cette jeune femme russe devint son amante (lui était marié, et attendait un enfant). Elle avait vingt ans, lui trente. Guérie (ça semble simple mais ne le fut pas tant) elle se forma en médecine (avec une thèse sur la schizophrénie) et devint psychiatre, c’est alors qu’elle se rapprocha de Freud (pour contrer la trahison de son amant, qui l’avait reniée elle, tout autant qu’il avait rejeté l’influence de son père spirituel), les deux s’allièrent et c’est grâce aux travaux de Sabina que Freud élabora le concept de “pulsion de mort”.
Par la suite, de retour dans son pays natal elle soignera des enfants à problèmes ou délinquants grâce à la psychanalyse. Elle mourra (les avis divergent sur l’année, sans doute en 1941) assassinée par les nazis, car juive.
Jusqu’au bout elle restera en contact épistolaire et amical avec Jung, lui vouant indéfectiblement une profonde admiration. On suppose que le concept d’anima a surgi dans la psyché de Jung sous les traits de Sabina.
Cette histoire est belle, mystérieuse à souhait… et, encore aujourd’hui, elle donne lieu à des polémiques entre écoles adverses (les freudiens, les jungiens).
Longtemps occultés, son influence, sa présence, sa vie, son amour, ses travaux, ses lettres, furent déterminants… ils ont été mis en images dans le très beau film “l’âme en jeu”."
Le mérite du film de Cronenberg est de nous interroger sur la psychanalyse, sur la relation homme/femme, sur l'arrangement facile des puissants avec leurs privilèges (Jung était marié à une femme très riche et s'accommodait fort bien de la fortune de sa femme et des privilèges qui étaient ceux de sa classe sociale). Il prend néanmoins quelques libertés avec l'ouvrage de référence (la correspondance des trois) en faisant de Jung et de Spielrein deux adeptes du sado-masochisme... ce qui me semble pour le moins un sacré raccourci, et en tout cas une élucubration. Pas sûr que cela apporte grand chose à la réhabilitation de Spielrein. Car, finalement, le personnage central du film c'est elle, mais d'une façon... étrange, à la Cronenberg ? Elle devient une mouche... qui se tord de douleur. Aura-t-on vraiment envie de connaître la femme qui a élaboré une théorie fondatrice de la psychologie, qui a participé à la réflexion intellectuelle de son temps, qui a créé une école, qui, surtout, a réussi à guérir d'une terrible maladie ? Elle a écrit des textes essentiels sur l'origine du langage, sur la musique... aussi.