Le bel amant (4)
Publié le 27 Juillet 2008
Nicolas de Staël - Les mouettes
Une femme à la crinière brune, les boucles retenues par un "chouchou". Taille moyenne, peut-être un peu plus grande, tailleur impeccable, gris foncé, presque noir, chemisier blanc, apparaissant sous la veste déboutonnée, laissant deviner le soutien-gorge blanc aussi, montrant sans trop dévoiler.
Elle se leva, s'approcha, me sourit en me tendant la main :
- Helena Cristiani, mais pour tout le monde c'est Nani.
- Bruno Michalon, pour tout le monde c'est Michalon.
- Bonjour Bruno.
- Bonjour...
- Nani !
- Nani...
En ouvrant la porte, déjà, j'avais cru défaillir. Là, en l'écoutant parler j'essayais de rassembler mes esprits, de me concentrer sur l'environnement du bureau, la couleur de la moquette, bleue, le tableau au mur, une reproduction de Nicolas de Staël, tiens ce tableau... où l'avais-je vu auparavant ? sur un blog, il y a bien longtemps, ses yeux à elle, non, ne pas la regarder elle, regarder autour, par terre, le ciel par la fenêtre, mais pas ses yeux, ni ses cheveux, son visage, à l'ovale si parfait, les sourcils un peu épais, son teint de porcelaine, celui qu'on a jusqu'à 30 ans.
Elle parlait : "Bruno, c'est extraordinaire mais j'ai le sentiment de déjà tellement vous connaître, je sens que nous allons faire de grandes choses ensemble." J'écoutais, j'avais du mal à articuler, à rendre mes mots intelligibles, sous forme de phrases cohérentes : "Vous me flattez... oui, c'est moi qui ai écrit cette étude sur... oui... les problèmes engendrés par la démultiplication des blogs... vous croyez ? oui... en effet... c'est un peu exagéré... ça a quelques années déjà."
Elle m'avait proposé de m'asseoir à côté d'elle, devant son bureau. Elle avait sorti tous mes travaux sur les nouvelles technologies, étalés en taches multicolores sur le noir de son autel, où trônait aussi le modèle dernier cri de la cellule informatique, l'écran suspendu en 3 D qui apparaissait et disparaissait au gré du bon vouloir de l'utilisateur.
Je ne pouvais m'empêcher de couler dans l'émotion qui en entrant m'avait submergée, cette femme était le double réincarné de ma mère, enfin... de l'image que nous en avions gardée : sur les photos, les vidéos, les documents enregistrés. Pas une vague ressemblance, ou même une forte... non c'était son double à 25 ans. Pas un fantôme, pas un clone... un double, une aberration. Ma mère avait 75 ans en 2019. Cette femme était ce qu'elle avait été 50 ans auparavant. J'avais vu suffisamment de films familiaux, j'avais entendu sa voix enregistrée, ça ne faisait aucun doute, c'était elle exactement.
(à suivre... car il est tard)