L'Amérique est encore loin...
Publié le 9 Février 2011
photo (c) Luciamel, New York, vacances... septembre 2008
J'ai twitté, mais quelle importance de twitter ?
Je le sentais venir le tour pendable : elle était la risée de tous, gauche et droite confondues, on se gaussait, on haussait les épaules d'un air entendu, et le sourire narquois. "Quelle connerie et quelle conne !", jubilait-on. Et, pendant des jours, ça n'a été que moqueries et jeux de mots sur MAMair... (ok, ça m'a bien fait rire moi aussi). On en redemandait, on se plaisait à la voir s'étrangler au journal télévisé, ah ah ah, quelle andouille et quelle incapable !
Mais voilà qu'un homme a fait mieux, lui est Premier ministre, lui a même été reçu pendant ses vacances par le Président égyptien, lui aussi a bénéficié des faveurs d'un dictateur, "mais, mais, mais..." entend-on bruire, déjà, dans les rangs des twitters de gauche, qui, étonnamment, se scandalisent plus doctement et beaucoup plus mollement. On sent bien que, ça, on ne pourra pas le traiter en rigolant, là, c'est sérieux, là, on doit chercher à bien réfléchir avant de twitter, on doit changer de registre. Euh, mais lui c'était à quelle date déjà ? la révolte c'était en Tunisie, pas en Egypte, à cette époque-là, et Mitterrand (François) aussi il y allait en Egypte... Là, c'est différent, et puis lui, c'est un homme, quand même !!! on ne peut pas lui appliquer le même traitement qu'aux femmes (toutes des dindes les femmes, en politique mais pas seulement, d'après ces Messieurs des tweets).
Le ridicule ne tue pas... en tout cas pas les hommes. Qu'une femme dise une connerie, fasse une connerie (MAM et ses conseillers en ont fait une et une grosse) et c'est la risée, le procès d'incompétence, la preuve que... un homme, même nul, c'est quand même mieux (cf. les Guignols de l'info du 07/02/11, et leurs excuses à Bernard Kouchner, et ce avant que la question des vacances égyptiennes du Premier ministre ne soient révélées).
Maintenant, on peut faire des distinguos :
"Le chef de file des députés PS, Jean-Marc Ayrault, a fait la distinction mercredi surRTL entre les vacances en Egypte de François Fillon, payées pour partie par ce pays, et celles de Michèle Alliot-Marie passées en Tunisie, jugeant que "ce n'est pas la même chose". (Le Monde)
Soudainement, les plus scandalisés se mettent à relativiser :
"Le président du MoDem, François Bayrou, a souligné mercredi que pour les fêtes de fin d'année, c'était "tout l'appareil d'Etat français qui se trouvait exactement dans la même situation" en vacances à l'étranger. M. Bayrou a relevé sur France Info que le président de la République "lui aussi était invité au Maroc". "Vous aviez tout l'appareil d'Etat français qui se trouvait exactement dans la même situation, dans les mêmes circonstances, j'allais presque dire dans les mêmes avions, dans les mêmes privilèges", a affirmé le président du Mouvement démocrate. "C'est pour ça qu'il y a une espèce de solidarité, et je trouve que c'est ça qui est malsain, je trouve que les dirigeants ne devraient pas se satisfaire de vivre ainsi dans des privilèges discrets", a-t-il ajouté." (Le Monde)
Je sais bien qu'on va trouver à justifier l'injustifiable : le fait, non de critiquer l'action politique, mais de traiter avec plus de mépris et, disons-le, avec misogynie, les erreurs qui sont commises par une femme. On va me répondre que "c'est pas parce que c'est une femme qu'on ne doit pas la critiquer, si elle est conne, on doit le dire, on fait pareil pour un homme". Non, on ne fait pas tout à fait pareil. Soyons honnêtes, essayons d'observer quand nous entendons une même phrase dite par un homme ou par une femme, une même action faite par un homme ou une femme, si nous l'évaluons, vraiment, de la même façon. Commençons par regarder autour de nous, dans notre propre famille, dans notre entreprise, il nous est sûrement déjà arrivé de changer d'opinion, d'appréciation, juste parce que nous avions compris que c'était machin, et pas machine, qui avait agi (rédigé le rapport, oublié un rendez-vous, fait une confusion, obtenu une bonne note en maths, réussi à un examen, décroché l'ENA, ou "perdu ses nerfs"). Quand je dis "nous", c'est nous : hommes et femmes.
Décidément, je n'arrive pas à m'y faire... à ces dés toujours pipés.