ElleS
Publié le 18 Avril 2015
Dans la salle d'attente de l'hôpital de Coimbra, au service d'oncologie.
Ma mère lui sourit et lui parle :
- Vos cheveux ont repoussé.
- Oui, les vôtres aussi, ils vont repousser.
Je me dis qu'elles se connaissent, je regarde cette jeune-femme assise face à nous, les cheveux très courts, un sosie d'Anne Sila de The Voice, en plus menue, en plus blonde et un peu plus jeune; toute vétue de blanc, enveloppée dans une veste de laine avec capuche tombée sur les épaules, le regard doux, le sourire d'un ange.
Et les voilà toutes les deux parties sur des tendresses, avec l'attention qu'on donne aux gens qu'on chérit. A se donner des conseils pour mieux supporter la chimio : le jus de betterave, les légumes frais, et puis la foi en Dieu, surtout ça, ça aide...
Ma mère qui lui dit : "Oh, mais, vous, vous êtes jeune, ça n'est pas cancéreux... vous vous en sortirez". L'autre regarde au loin, comme si elle avait compris le message.
Elles s'encouragent mutuellement, surtout la jeune-femme qui dit à ma mère que cette maladie est une école de patience, qu'elle fait grandir intérieurement. Ma mère se plaint, déjà trois heures qu'elle est là, assise sur le banc, elle fatigue quand même un peu, juste pour être reçue en consultation durant 10 minutes, et même pas sûr qu'elle puisse avoir son traitement...
Et puis, on nous appelle enfin ! On prend congé de la jeune-femme, en lui souhaitant le meilleur pour la suite.
Ma mère repart déçue... pas de traitement cette fois-ci encore : après l'AVC, et la pneumonie, les résultats de l'IRM ne sont pas concluants. On doit attendre avant de ré-attaquer la tumeur... Durant l'auscultation ma mère a mal : après un mois d'arrêt du traitement, le crabe a repris des forces... lui aussi.
Puisqu'on va devoir attendre 4h que les pompiers reviennent nous chercher, on a largement le temps d'aller déjeuner au petit resto en face de l'hosto. Assises à attendre nos plats, qui voit-on arriver ? notre ange blond et blanc au sourire d'enfant.
On lui fait signe, elle vient s'asseoir près de nous. Entre temps ma mère m'avait expliqué qu'elle ne connaissait pas du tout la jeune-femme, elle lui avait adressé la parole juste parce qu'elle avait aimé son sourire : "Tu vois, je me fais des amis partout et très facilement".
Je lui demande comment s'est passée sa consultation, elle me dit qu'ils arrêtent la chimio et vont devoir commencer une radiothérapie. Je lui demande quel cancer elle a, elle me dit que c'est le cancer du sein, qu'on l'a déjà opérée, qu'elle est en traitement depuis un an. Je la rassure, je lui dis que c'est l'un des cancers qui se guérit le mieux.
Après avoir déjeuné, elle prend congé de nous, embrasse ma mère sur le front, et du regard lui donne tout l'amour qu'elle porte en elle.
Elle est partie. Nous ne savons même pas comment elle s'appelle...