Je reviens d'Ellis Island...
Publié le 19 Avril 2011
photo (c) Luciamel, septembre 2008, New York, le bateau revenant de Ellis Island.
Vous êtes là à vous dire, ou pas... "elle est catho, elle est psycho-rigide...", elle est... Et puis, vous vous perdez.... mais, aussi, vous me perdez....
Je suis là où vous ne vous trouvez pas.
Je suis là où vous ne me trouvez pas.
"On s'est trouvés sans se chercher... nos regards se sont rencontrés" Lily Passion (Barbara)
Pourquoi écrivez-vous ? vous ?
Vous devriez essayer l'essentiel.
Le "je suis"... ou le "j'aime".
Pour le "je sais", vous devriez repasser dans cent mille ans... on aura appris la leçon...
J'ai croisé le regard d'un oiseau... ça brûle parfois, le regard des oiseaux... ça nous pose sur la plage (la page), nous les goélands (qui en avons vu d'autres)... Nous les mouettes, les oiseaux du large... on ne se laisse pas abattre si facilement. Les coups, on connaît. La solitude, on connaît. La trahison, on ne la craint plus, on la conspue... on la floutte.
Toi, mes ailes te survolent... ton monde, je le perçois... je te protège, je m'éloigne... non, je ne te veux pas de mal. Ma souffrance est en moi, le manque, la tristesse, tout ça... La joie est de m'ouvrir, de ne rien attendre que le bien de nous.
La joie est mon bien... d'aujourd'hui.
photo (c) Luciamel, le pont de Brooklyn... septembre 2008.
"Comment vous appelez-vous ?
D'où venez-vous ?
Pourquoi venez-vous aux États-Unis ?
Quel âge avez-vous ?
Combien d'argent avez-vous ?
Où avez-vous eu cet argent ?
Montrez-le-moi.
Qui a payé votre traversée ?
Avez-vous signé en Europe un contrat pour venir travailler ici ?
Avez-vous des amis ici ?
Avez-vous de la famille ici ?
Quelqu'un peut-il se porter garant de vous ?
Quel est votre métier ?
Êtes-vous anarchiste ?
etc."
Récits d´Ellis Island de Georges Perec et Robert Bober Histoires d’errance et d’espoir De 1892 à 1924, près de seize millions d’émigrants en provenance d’Europe sont passés par Ellis Island, un ilôt de quelques hectares où avait été aménagé un centre de transit, tout près de la statue de la liberté, à New York. Parce qu’ils se sentaient directement concernés par ce que fut ce gigantesque exil, Georges Perec et Robert Bober ont décrit ce qui reste de ce lieu unique, et recueilli les traces de plus en plus rares qui demeurent dans la mémoire de ceux qui, au début du siècle, ont accompli ce voyage sans retour. |
"ne pas dire seulement : seize millions d'émigrants
sont passés en trente ans par Ellis Islandmais tenter de se représenter
ce que furent ces seize millions d'histoires individuelles,
ces seize millions d'histoires identiques et différentes
de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants chassés
de leur terre natale par la famine ou la misère,
l'oppression politique, raciale ou religieuse,
et quittant tout, leur village, leur famille, leurs
amis, mettant des mois et des années à rassembler
l'argent nécessaire au voyage,
et se retrouvant ici, dans une salle si vaste que jamais
ils n'avaient osé imaginer qu'il pût yen avoir quelque
part d'aussi grande,
alignés en rangs par quatre,
attendant leur tour...il ne s'agit pas de s'apitoyer mais de comprendrequatre émigrants sur cinq n'ont passé sur Ellis
Island que quelques heuresce n'était, tout compte fait, qu'une formalité anodine,
le temps de transformer l'émigrant en immigrant,
celui qui était parti en celui qui était arrivé,mais pour chacun de ceux qui défilaient
devant les docteurs et les officiers d'état civil,
ce qui était en jeu était vital :ils avaient renoncé à leur passé et à leur histoire,
ils avaient tout abandonné pour tenter de venir vivre
ici une vie qu'on ne leur avait pas donné le droit de
vivre dans leur pays natal
et ils étaient désormais en face de l'inexorable"[ extraits de Récits d'Ellis Island de Georges Perec et Robert Bober, éd. P.O.L.]