Libération et nos illusions nécessaires...
Publié le 22 Avril 2011
Il m'arrive de m'engueuler avec les blogueurs (avec les blogueuses aussi), souvent sur des malentendus (s'engueule-t-on autrement ?).
Le dernier malentendu en date concerne mon agacement à l'égard de certains médias et de leur manipulation (récupération) des gentilles idées des gentils (é)lecteurs de gauche.
Le gauchiste de base est contestataire. Il a besoin de s'opposer, de gueuler, de se dire qu'un jour il va faire la révolution. Certains en ont fait un mode de vie, une fonction, une seconde nature (fixation au stade anal). Ca nous donne des fonctionnaires de la révolution (Besancenot), des opportunistes (Edouard de Rotschild), et des manipulateurs de haute volée (le clan Sarkozy-Bruni, des champions en la matière).
J'aime proposer à mes étudiants (étrangers, généralement des cadres sup) de faire une revue des journaux français pour essayer de deviner, eux qui ne les ont jamais lus, la tendance politique et le profil du lectorat (en regardant la "une", les photos, les titres, et la façon de traiter une même info).
Dernièrement, j'ai été étonnée de voir que mes étudiants qualifiaient systématiqement Libération de tabloïd, de journal populiste, sensationnaliste (ils le classaient, pour cette raison, plutôt à droite).
En ce moment, j'ai la chance d'avoir en cours particulier un journaliste japonais, correspondant d'un journal tokyoïte à Paris, nous nous sommes donné à coeur joie de comparer La Croix, Libération, L'Humanité, Le Figaro et Le Parisien (pour ce qui est du Monde, il le lit tous les jours).
Cette semaine il a voulu me faire part de son étonnement : pour une même info (le Christ dans la pisse) il avait vu un traitement totalement différent dans Le Figaro (reprenant l'interview de Libération, Serrano, l'artiste, s'y dit très étonné d'un tel "tapage" pour une photo prise il y a 35 ans !!! il se déclare par ailleurs chrétien) et dans Libération. Le scandale n'était pas là où on l'aurait cru : un petit article de rien du tout dans Le Figaro, une double page, à la suite de la "une" dans Libé. Il en était très intrigué.
Nous avons, alors, poursuivi notre cours sur les médias, et leurs illusions nécessaires...
Je lui ai tout d'abord montré l'article paru dans l'ACRIMED sur "Libération : de Sartre à Rotschild", comment l'ouverture du capital, puis l'arrivée de cet actionnaire majoritaire a confirmé les dires de Franz-Olivier Giesbert de 1989 (il était alors directeur de rédaction au Figaro) :
« Tout propriétaire a des droits sur son journal. D’une certaine manière, il a les pouvoirs. Vous me parlez de mon pouvoir, c’est une vaste rigolade. Il y a des vrais pouvoirs. Le vrai pouvoir stable, c’est celui du capital. Il est tout à fait normal que le pouvoir s’exerce. Ça se passe dans tous les journaux. Il n’y a pas un journal où cela ne se passe pas. » Pour cette raison, Sartre avait en 1973 conçu Libération « en marge des capitaux privés, des banques et de la publicité».
J'ai indiqué que l'ACRIMED était en quelque sorte un "enfant" de Chomsky. Je lui ai montré les vidéos de Médias, les illusions nécessaires. Comment, dans nos démocraties, ces médias fabriquaient notre consentement à la domination par les plus puissants. Car le peuple est toujours dangereux pour les élites, les médias les aident à asservir subtilement les masses.
Nous avons ensuite tenté de comprendre en quoi l'arrivée d'Edouard de Rotschild à la tête de Libération (le rédacteur en chef, comme le dit FOG, c'est du pipeau) avait réorienté la présentation et le repositionnement du "produit" gauchiste.
Comme l'aide des banques en 1983, et l'ouverture du capital, avait imposé certaines conditions : accepter la pub, les annonces, essayer de dégager du profit, Serge July disait alors : "Or, la norme, ce sont les bénéfices", avec Rotschild on est passé à la vitesse supérieure : vendre du gauchisme, à tout prix. Tout est bon, la vulgarité (et le machisme) se conjuguant aussi très bien à gauche toute...
Ca nous a donné récemment les articles sur Marine le Pen, celle qu'on rêve de faire baiser contre un mur par un sans-papiers... La "une" sur les 343 salopes (naturellement, c'est un titre choc, ça attire le mot "salope"), et donc, en dernier lieu, ce Christ dans la pisse... On le voit Libération ne fait pas dans la dentelle, mais Libération ne fait plus non plus dans la liberté de ton... car le journal est de plus en plus enchaîné à son actionnaire. Voir sur cette question les excellents billets d'Olympe, et d'Isabelle Germain.
Pour terminer, une chose amusante à noter, après Philippe Val qui s'est vendu au capital, ou plutôt à l'élite, (ayant d'abord vendu l'âme de Charlie Hebdo) i.e. à Carla Bruni et son mari, Serge July va-t-il longtemps résister aux charmes des sirènes ?
merci à Polluxe pour le lien de la vidéo suivante ;))) :