Les passants du "sans souci"...
Publié le 26 Mai 2013
Il n'est pas un jour sans que quelqu'un (systématiquement les vendeurs dans les magasins, mais également tout un chacun dans ses échanges quotidiens) ne vous lance un "pas d'souci"... qui en dit long sur l'état d'inquiétude dans lequel nous vivons.
- Je peux vous régler par chèque ?
- pas d'souci.
- J'aimerais prendre la voiture jaune,
- pas d'souci.
- Tu me prêtes ton téléphone ?
- pas d'souci.
- Pierre ne vient pas,
- pas d'souci.
- Jacqueline est repartie,
- pas d'souci.
Ces "pas d'souci" qui ont sans doute remplacé les "pas d'problème" d'antan sont une formule qui devrait mettre à l'aise celui à qui elle s'adresse. Or, c'est tout le contraire, car un souci n'est pas un problème. Un problème se résout, ou tout du moins nous laisse entrevoir qu'il y a une solution. Un problème s'ancre dans le réel, tandis que le souci est la conséquence du problème : il est l'état psychique dans lequel nos problèmes peuvent nous plonger. Il renvoie à la psyché et non à la matérialité. Le souci ne se règle pas... il peut se surmonter, on peut y faire face... mais pas l'écarter... le souci vous submerge, le problème vous emm... bête.
Pourquoi le vendeur, ou l'ami, ou la connaissance, ou même l'inconnu, se réfère-t-il à son état psychique quand je lui fais part d'une demande d'information, et d'une interrogation toute bête..?
Parce que le monde tourne... mal... parce que l'inquiétude est partout... et que les soucis sont les compagnons des passants du sans souci...
- Je t'aime,
- pas d'souci.
- Je te quitte,
- pas d'souci.
- Le soleil brille,
- pas d'souci.
- Il pleut,
- pas d'souci.
- Nous mourrons...
- pas d'souci.
Photos (c) Luciamel, entre fin avril et mai 2013 ... le passage de Paris à Cergy (en passant par Toulouse et Orléans...).
La passante du sans souci, de Jacques Rouffio, 1982.