Je ne sais si je vais pouvoir en jouir immédiatement
Publié le 19 Juillet 2011
photo (c) Luciamel, le 19/07/2011, rue des Blancs Manteaux.
Il est clair que les temps sont durs.
Nous le voyons bien. Non ?
Je m'en suis rendu compte ce matin dans le métro. Comment se fait-il, me suis-je dit, qu'il y ait tant de monde en plein mois de juillet ? plus qu'à l'accoutumée le reste de l'année. Tous les conducteurs, et conductrices, de trains sont-ils en vacances ? Les Parisiens ont-ils renoncé à quitter leur travail ? Les touristes nous auraient-ils envahis ? Vu l'état des finances mondiales, je pencherais pour la première option.
8h45, ligne 2 bondée, j'ai réussi bon an mal an à trouver une place assise à Stalingrad. Au bout de 3 stations j'entends de l'autre côté de la voiture :
"Hey, Madame, vous pourriez vous lever, non ?"
Ma voisine, se sentant visée, rétorque :
- "Ben non, je ne peux pas me lever. Et vous avez vu ? il y a de la place devant moi, si vous avanciez ça dégagerait un peu".
Lui, n'en démord pas :
"Ah, c'est ça, il y a de la place, n'empêche, si vous vous leviez ça en ferait encore plus.., vous êtes handicapée ou quoi ?
- Oui, c'est ça je suis handicapée".
D'autres voyageurs ont pris parti : "Ben, si elle est handicapée, elle devrait demander la place réservée sur le côté".
Puis, à un moment donné (2 à 3 minutes plus tard, car le temps dans le métro est très compté), l'homme en question a lancé :
"Bon, je bouge. Je vais vers le fond."
Et, il s'est stationné juste devant moi. Je me suis levée. Il m'en a remerciée : "merci, MADAME !". Ce à quoi je lui ai répondu :
"Moi : C'est la dynamique des corps. Et de l'espace... La communication aussi entre les personnes.
Lui : Ah, la dynamique des corps... c'est quand même mieux quand les gens se lèvent.
Moi : Remarquez, quand on est en vacances [il poussait plusieurs sacs de voyage] c'est moins pénible de prendre le métro, quand on va travailler on a plus besoin de s'asseoir.
Lui : Contrairement aux apparences, je ne suis pas en vacances, je vais travailler. Je dois même me déplacer en province aujourd'hui, j'ai 4h de transport.
Moi : Ah, et bien nous on va travailler ici à Paris, et on en a peut-être marre des conditions de transport, il faut dire que la situation d'aujourd'hui n'est pas normale, en plein mois de juillet autant de monde...
Lui : Il y a peut-être moins de rames... ou les conducteurs sont en vacances...
Moi : Moui, je me dis aussi que c'est peut-être une stratégie, ils ont construit de nouvelles voitures qui contiennent moins de gens (je l'ai vérifié), ça leur permet de nous comprimer, de nous obliger à rester debout, de nous dresser les uns contre les autres, de nous soumettre. C'est peut-être leur stratégie.
Lui : Ah ?! vous croyez ?"
Quelques minutes ont passé, deux ou trois à tout casser, le temps est très long dans le métro, et nous sommes arrivés Place Clichy. J'ai dit à mon voisin de voyage :
"Moi : Je suis arrivée, je vous laisse la place ;)))
Lui : Je ne sais si je vais pouvoir en jouir immédiatement :)))
Moi : Ben, bonne journée quand même."
C'est comme ça que les révolutions commencent. Par une conversation dans le métro, par un commentaire sur un blog, par un regard vers les étoiles...