De la responsabilité...

Publié le 19 Août 2012

Autres lectures...

 

20120815-025.jpgphoto (c) Luciamel, le 15/08/2012, Pyrénées Ariégeoises.

 

 

 

"Des avions pour Alep !" de Bernard-Henri Lévy, dans Le Monde  du 15 août 2012 , extraits :

 

 

"La tragédie syrienne (la démence sans retour qui s'est emparée de Bachar Al-Assad, le martyre des civils canonnés par ses soudards) appelle plusieurs sortes de questions que la trêve estivale ne doit pas interdire de poser - les dictateurs, eux, ne prennent pas de vacances !

 

[...] Question de droit, cette fois. Amendement du droit quand ses formes positives sont en contravention avec l'exigence du droit naturel et de la justice. Le veto russe et chinois n'est pas un argument, c'est un alibi. C'est l'alibi de ceux qui, secrètement, comptent que Bachar Al-Assad soit assez fort pour écraser l'insurrection et nous décharger de nos remords. A lui, le bain de sang. A nous, les larmes de crocodile.

 

[...] Que Bachar Al-Assad soit aussi fou que Kadhafi, qu'il soit prêt, comme lui, à aller jusqu'au viva la muerte, c'est une possibilité, bien sûr - mais ce n'est pas l'hypothèse la plus plausible et c'est la raison pour laquelle ce plan en plusieurs étapes, cette action graduée, dosée, et se gardant de monter tout de suite aux extrêmes, pourraient être de nature à faire céder le régime. Assad est un tigre de papier. Il est fort de notre faiblesse. Que les amis du peuple syrien montrent leur résolution, qu'ils donnent des signes tangibles de leur capacité à frapper et il préférera l'exil au suicide.

 

[...] Quel rôle pour la France dans ce contexte ? Et, au-delà de la France, pour l'Europe ? Celui (toujours nécessaire, les pièces du dispositif semblent prêtes à s'emboîter) de l'initiateur, du facilitateur, de l'architecte. La France a une grande voix. Elle jouit, dans la région, du prestige que lui vaut son action en Lybie. Elle a des liens historiques avec le pays du Jardin sur l'Oronte et de ce que l'on appelait, jadis, le Levant.

 

Et le hasard des calendriers fait qu'elle a, pour deux semaines encore, la présidence tournante du Conseil de sécurité de l'ONU. On comprendrait mal, dans ces conditions, que le président de la République, nouvellement élu et jouissant, pour cette raison, d'une autorité morale inentamée, n'utilise pas les ressources que lui offre la situation.

 

[...] Refus du terrorisme, réduction de la tentation islamiste, victoire électorale des modérés, évitement, enfin, de la vendetta généralisée : c'est le signe d'un peuple mûr que l'épreuve des combats a grandi, anobli, libéré d'une part de ses démons, éclairé; mais c'est aussi le fruit d'une fraternité d'armes inédite entre une jeunesse arabe et des aviateurs et responsables européens qui apparaissaient comme les amis, non des tyrans, mais des peuples. Le souci de cette fraternité serait, si nécessaire, une autre raison d'appliquer sans tarder le devoir de protection des civils de Syrie."

 

 

 

 

La douleur, de Marguerite Duras, les premières pages, extraits : 

 

 

"Avril.

 

Face à la cheminée, le téléphone, il est à côté de moi. A droite, la porte du salon et le couloir. Au fond du couloir, la porte d'entrée. Il pourrait revenir directement, il sonnerait à la porte d'entrée : "Qui est là. - C'est moi." Il pourrait également téléphoner dès son arrivée dans un centre de transit : "Je suis revenu, je suis à l'hôtel Lutetia pour les formalités." Il n'y aurait pas de signes avant-coureurs. Il téléphonerait. Il arriverait. Ce sont des choses qui sont possibles. Il en revient tout de même. Il n'est pas un cas particulier. Il n'y a pas de raison particulière pour qu'il ne revienne pas. Il n'y a pas de raison pour qu'il revienne. Il est possible qu'il revienne. Il sonnerait : "Qui est là. - C'est moi." Il y a bien d'autres choses qui arrivent dans ce même domaine. Ils ont fini par franchir le Rhin. La charnière d'Avranches a fini par sauter. Ils ont fini par reculer. J'ai fini par vivre jusqu'à la fin de la guerre. Il faut que je fasse attention : ça ne serait pas extraordinaire s'il revenait. Ce serait normal. Il faut prendre bien garde de ne pas en faire un événement qui relève de l'extraodinaire. l'extraordinaire est inattendu. Il faut que je sois raisonnable : j'attends Robert L. qui doit revenir.

 

Le téléphone sonne : "Allô, allô, vous avez des nouvelles ?" Il faut que je me dise que le téléphone sert aussi à ça. Ne pas couper, répondre. Ne pas crier de me laisser tranquille. "Aucune nouvelle. - Rien ? Aucune indication ? - Aucune. - Vous savez que Belsen a été libéré ? Oui, hier après-midi... - Je sais." Silence. [...]

 

Dans la rue je dors. Les mains dans les poches, bien calées, les jambes avancent. Eviter les kiosques à journaux. Eviter les centres de transit. Les Alliés avancent sur tous les fronts. Il y a quelques jours encore c'était important. Maintenant ça n'a plus aucune importance. Je ne lis plus les communiqués. C'est complètement inutile, maintenant ils avanceront jusqu'au bout. Le jour, la lumière du jour à profusion sur le mystère nazi. Avril, ce sera arrivé en avril. Les armées alliées déferlent sur l'Allemagne. Berlin brûle. L'Armée Rouge poursuit son avance victorieuse dans le Sud, Dresde est dépassé. Sur tous les fronts on avance. [...] Il est mort. A travers les squelettes de Buchenwald, le sien. Il fait chaud dans toute l'Europe. Sur la route, à côté de lui, passent les armées alliées qui avancent. Il est mort depuis trois semaines. C'est ça, c'est ça qui est arrivé. Je tiens une certitude. Je marche plus vite. Sa bouche est entrouverte. C'est le soir. Il a pensé à moi avant de mourir. La douleur est telle, elle étouffe, elle n'a plus d'air. La douleur a besoin de place."

 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par Luciamel

Publié dans #Politique - société

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
<br /> Bon, wouai, ok... pas facile en fait<br /> <br /> <br /> quant à la Syrie, je pense tout simplement que si les gens comme Bachar sont obligé d'être très durs c'est qu'ils ont à faire à des ennemis très durs, beaucoup plus durs que ce que en europe on<br /> est capable de concevoir. Jusque là, ils ont tenté de réguler et organiser des pays en un sens républicain et laïc et indépendant relativement financièrement grâce aux ressources de leurs pays.<br /> Or ces ressources sont convoitées par l'empire US d'une part et leurs alliés qui sont par ailleurs anti-répûblicains, féodaux, et salafistes ou intégristes religieux et d'une cruauté sans bornes.<br /> L'empire a donc déstabilisé la Syrie afin de la plonger dans une guerre civile et avec tous les moyens de propagande dont il dispose, met toutes les horreurs sur le dos de l'actuel gouvernement<br /> du pays qu'il compte mettre à sa botte en manipullant les extrémistes les plus barbares de la planète.<br /> <br /> <br /> Quant à la question de l'engagement des intellectuels : je me souviens de ces émissions d'un autre temps, Apostrophe, où des gens débattaient de façon courtoises et avec profondeur... mais la<br /> question de la responsabilité des tintellectuels dans l'histoire du monde est vieille comme le monde : Socrate donne l'exemple culturel pour tout l'occident depuis plus de 2000 ans.<br /> <br /> <br /> Le problème est depuis Socrate toujours le même : qu'en font d'une part les gens du peuple mis à part le mépriser parce qu'ils n'y comprennent rien faute d'instruction, et pire encore comment les<br /> élites, les gouvernants, manipullent ces mêmes intellectuels, les récupèrent, les détournent, les corrompent ?<br /> <br /> <br /> BHL est typiquement un exemple contemporain d'intellectuel corrompu très facilement par le pouvoir qui se sert de son orgueil pour le mettre à sa botte.<br /> <br /> <br /> C'est un peu court comme sentiment, ou comme exposé de ce que j'en pense, mais en gros c'est ça. Un intellectuel se corrompt comme n'importe qui d'autre et le tallon d'achile de tout un chacun<br /> est le même : l'orgueil.<br />
Répondre
L
<br /> @Paul : je comprends ta surprise, voire ta deconvenue (pas d'accents car je ne suis plus dans un pays AZERT mais QWERT... La revolte des accents, comme dirait Erik Orsenna). BHL...<br /> quelle honte, me dis-tu, de le citer, j'aurais prefere que tu me donnes ton point de vue sur cette question (la Syrie mais aussi l'engagement des intellectuels). Que le monde te semble<br /> im-monde... je le conçois aisement, qu'il te revolte je le vois bien, mais, dis-moi, tout simplement, ton sentiment. <br />
Répondre
P
<br /> bonjour Lucia<br /> <br /> <br /> je suis un peu dérouté là par la mise en relation que vous faites entre Duras et le bhl là<br /> <br /> <br /> je ne comprends pas bien le rapport qu'il y a entre cette écrivaine et cet immondice du spectacle de propagande de l'impérialisme capitaliste récupérant les autres immondes brutes barbares<br /> anti-républicains anti-laïc obscurantistes phallocrates pour récupérer les champs de pétrol d'un pays qui ne se soumet par ailleurs pas à l'ordre mondial...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> je suis vraiment inquiet : seriez vous gagnée par l'innomable mensonge médiatisé par la presse et les télévisions ?<br />
Répondre